Fallait-il un « grand parti » pour l’autogestion ? La CFDT et les Assises du socialisme de 1974

Il y a un mystère CFDT. Celui qui entoure une organisation syndicale passée du socialisme autogestionnaire des années 1970 à l’accompagnement du capitalisme néo-libéral. Dans les années qui suivent Mai 68, le débat est vif quant à la manière de résoudre l’antagonisme de classe. S’y ajoute au sein de la centrale une hétérogénéité des attentes, des pratiques et des cultures militantes. Tout cela va se traduire par une succession de réajustements stratégiques au gré des rapports de force internes et du contexte politique et social. Autour des Assises du socialisme en 1974 se joue précisément un de ces moments de bascule de la CFDT. Cette opération – menée en faveur du Parti socialiste et dans laquelle s’implique la direction confédérale – va interroger le rapport du syndicat au pouvoir et au politique dans une période où la « transition au socialisme » semble bel et bien accessible.

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Mai 1981, la gauche au pouvoir et le syndicalisme qui assiste ou regarde

Étant à l’époque permanent du Syndicat national unifié des impôts -SNUI- depuis février 1974 et secrétaire général depuis octobre 1980, j’ai traversé cette période de l’après-10 mai 1981, sans, bien entendu, tout comprendre de ce qu’il se passait et des enjeux, et sans bien savoir ce qu’il faudrait assurément faire, et ne pas faire. Du poste où j’étais, je pouvais voir et entendre certaines choses, mais bien peu par rapport à tout ce qu’il faudrait étudier aujourd’hui pour essayer d’avoir une vision d’ensemble. Les pages qui suivent ne sont donc qu’un éclairage, personnel, sur cette période et sur le constat qui est fait des relations entre les syndicats et les partis politiques, avec les moyens qui sont principalement ceux de la mémoire, laquelle n’est pas une totale garantie d’exactitude.

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Féminisme d’État: Contradiction, récupération, avancée et mise au pas ?

Questionner le féminisme d’état nous interroge d’une part, sur son impact sur le mouvement féministe lui-même, avec sa volonté de cooptation, récupération, déradicalisation et contrôle, et d’autre part et à l’inverse, sur sa capacité d’être la traduction en mesures politiques des revendications issues des luttes féministes par des lois et des moyens financiers. Le féminisme se décline au pluriel, son rapport avec l’Etat également. Au risque de tomber dans la caricature, certains féminismes considèrent tout perdre à transiger avec l’état, alors que d’autres croient que celui-ci peut servir la cause des femmes et pour certains, il est même le seul levier car le « féminisme d’état » serait en soi le seul espace de la cause des femmes. Quelles femmes tirent bénéfice du féminisme d’Etat ? Lesquelles rejette-t-il hors du spectre d’influence de la « cause » des femmes ? Le féminisme et le capitalisme sont-ils compatibles ? Le « féminisme d’état » serait-il un pompier pyromane ? Ennemi ou allié du mouvement des femmes ?

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Démocratie et processus

Les abstentions lors des récentes élections disent combien le système dit de « démocratie représentative » rend insatisfait, pour ne pas dire amer. Or, comme tout grief, la critique même sévère ne conduit pas automatiquement à une solution alternative. On parle beaucoup d’aspiration à la démocratie et la multiplicité des expérimentations, depuis les entreprises mises en coopératives jusqu’aux villages en quête d’une démocratie locale alternative, signale une recherche active. Malheureusement, elles restent enfermées dans de petits cercles, où l’on est sûr de ne pas se laisser déposséder par des « représentants » qui sont hors de portée et deviennent indépendants des citoyens et citoyennes. En même temps, il faut penser que ces expérimentations locales ne sont pas statiques. Chaque avancée et chaque difficulté conduisent à vouloir dépasser des limites antérieures. Il ne s’agira donc pas ici d’une pétition de principe mais d’affronter le passage à l’acte.

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« Le problème ça allait être les militants » Au cœur du laboratoire grenoblois

Depuis 2009, Le Postillon, journal autogéré et 100 % local, est un organe de presse « critique » qui concentre ses investigations sur la métropole grenobloise. Son fondateur, Vincent Peyret, a écrit un livre très documenté sur la municipalité rouge et verte menée par le maire de la métropole Éric Piolle. Le vide à moitié vert, aux éditions Le monde à l’envers.  L’Union départementale Solidaires Isère s’est entretenue avec lui.

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Etat espagnol : les syndicalistes et les mairies du « changement »

Depuis un peu plus d’un an maintenant, Podemos est associé au PSOE pour gouverner l’État espagnol. Podemos a plusieurs ministres dont celui du Travail et de l’économie sociale. Depuis 2015, des forces de gauche dites alternatives gèrent des villes importantes, notamment en Catalogne. Qu’en disent nos camarades syndicalistes ? Eléments de réponse d’un camarade de la Confederación General del Trabajo de Catalunya (CGT Catalogne).

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Brésil : la CUT et le gouvernement Lula

Au pouvoir au Brésil depuis 2003, le Parti des travailleurs (PT) aurait tenté, dit-on, d’harmoniser les intérêts de la « société civile » et du patronat, dans l’optique de combiner la lutte contre les inégalités sociales à la croissance économique. D’un côté, il oscilla entre une réforme agraire timide, la création de certains programmes de soutien aux plus démuni-e-s et des gestes mitigés en faveur des demandes syndicales. De l’autre, il reprit des pans importants de l’agenda néolibéral instauré par son prédécesseur, l’ex-président Fernando Henrique Cardoso. Constitué autour d’une volonté indéniable de s’appuyer sur l’entreprise privée et la flexibilisation du travail afin de stimuler l’économie du pays, le Brésil du PT en a surpris plusieurs. L’obéissance aux règles dictées par les institutions financières internationales, à commencer par le Fonds monétaire international, a conduit certains observateurs à qualifier le Président Luiz Inacio « Lula » Da Silva et son bilan gouvernemental de « social-libéralisme ».

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Le syndicalisme soviétique a-t-il existé ?

Lors du centenaire de la révolution russe, de nombreuses publications ont vu le jour, profitant de la distance avec cet événement décisif du XXe siècle, pour s’intéresser à différents aspects de l’histoire soviétique. Le sujet syndical est malheureusement trop souvent délaissé dans ces études. Pourtant, le syndicalisme, en Union soviétique et dans les pays placés directement sous son influence, a tenu rang de modèle pour plusieurs générations militantes partout dans le monde.

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Relations entre partis et syndicats : construire quelques garde-fous

La question du rapport avec les partis politiques est récurrente dans le mouvement syndical, avec, en toile de fond, la crainte d’une instrumentalisation des syndicats par les partis, dont ils seraient le prolongement, comme l’a été longtemps la CGT pour le PCF ou « des relations d’étreinte mortelle entre le mouvement syndical et le mitterrandisme », comme l’écrit Solidaires. Les risques sont donc identifiés : l’entrisme, l’affiliation, l’inféodation, les conflits d’intérêt, l’influence liée au manque de diversité, des conflits internes…

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La motion d’Amiens et le congrès SUD-Rail

En 2006, la fédération des syndicats SUD-Rail tenait son quatrième congrès fédéral. Quel rapport avec la charte d’Amiens ? Par hasard (oui, désolé pour les historiens et historiennes qui pourraient plus tard s’interroger sur la coïncidence des dates), il se trouve que ce congrès a eu lieu à compter du 16 octobre. Donc, cent ans, jour pour jour, après la séance de clôture du congrès d’Amiens de la Confédération générale du travail, le congrès de la Charte d’Amiens. 16 octobre 1906 – 16 octobre 2006, l’occasion était belle de montrer comment, modestement, le syndicalisme SUD-Rail se voulait dans la continuité des signataires de la motion de 1906. Cela se traduisit par la réédition en fac-similé du compte-rendu du 9ème congrès de la CGT, précédé de six textes plus contemporains : une analyse de la charte par l’historien Gilles Morin ; une texte de Georges Séguy, ex-secrétaire général de la CGT, « 1906, la CGT adopte la Charte d’Amiens » ; un document de FO, « 1906, la Charte d’Amiens : le mouvement syndical conquiert sa maturité » ; une publication de la FGAAC, « A propos de la Charte d’Amiens » ; une communication de Thierry Renard « 100 ans après la Charte d’Amiens : la notion d’indépendance syndicale face à la transformation des pouvoirs » ; l’appel pour l’autonomie du mouvement social ».

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Critique de l’économie politique et activité syndicale

Envisagé par son auteur comme « le plus redoutable missile qui ait jamais été envoyé à la tête des bourgeois » le Capital est pourtant, bien plus que ses autres textes, resté dans l’ombre des marxismes populaires et de parti. Véritable flop éditorial historique, seuls quelques groupes d’ouvriers isolés s’en saisissent dès sa parution pour constituer des cercles de lecture, tant l’ouvrage semble difficile et érudit. On se passera rapidement de sa lecture pour lui préférer des livres de « vulgarisation », comme le célèbre Abrégé du Capital de Cafiero qui, bien qu’approuvé par l’auteur rhénan, comporte de profondes lacunes. S’ensuivra l’avènement du marxisme de parti dont l’orthodoxie se passe de tout rapport sérieux et précis à Marx, et en particulier au Capital.

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La crise sanitaire, une respiration salutaire ?

Crise de la valeur travail. La crise sanitaire a fait de gros dégâts. Là où on ne les attendait pas. La corona, selon Jean-Luc Porquet « a véritablement ébranlé et annihilé la valeur travail ». Porquet, c’est dans le Canard enchaîné ; dans le Monde, Léa Iribanegaray nous fait rencontrer des « frugalistes » calculateurs qui, de très près, surveillent leur RIB (Revenu induit par ses besoins). Le boulot, juste ce qu’il faut… « A-t-on perdu tout sens de l’effort ? » s’interrogent deux auteurs bretons, Gérard Amicel et Amine Bourkerche, qui dans L’autopsie de la valeur travail, dissèquent l’idéologie du boulot. Un allemand, Robert Kurz s’en prend lui, à « l’ethos du travail ». Les éléments de la critique s’accumulent. Procès à charge ? Mais, est-ce sérieux cette iconoclaste critique ? Allons voir.

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Après le 5 octobre

Pour reconstruire un rapport de force favorable aux travailleurs et travailleuses, l’urgence n’est pas aux journées d’action nationales. Mieux vaut bâtir en partant de la base. Les luttes sectorielles ou locales, la proximité des cahiers revendicatifs Solidaires CGT sont des éléments qui peuvent favoriser la réussite d’une telle démarche. A condition de ne pas se laisser enfermer dans le schéma selon lequel il faut laisser la politique à d’autres.

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Les Jeunesses syndicalistes

On connait les Jeunesses des organisations politiques (Jeunesses communistes, socialistes, communistes révolutionnaires, libertaires, écologistes, etc.), mais on parle rarement des Jeunesses syndicalistes ou Jeunesses syndicales (JS) ; et pour cause : en France, elles n’ont guère existé qu’au premier quart du siècle passé, et de manière intermittente. Les organisations politiques ne sont pas pour rien dans cette situation : Les Jeunesses socialistes avant la Première Guerre mondiale, plus encore les Jeunesses communistes dans les années 1920, voyaient d’un mauvais œil cette organisation autonome de la jeunesses, basée sur l’appartenance à sa classe sociale, non inféodée à leur parti. Bien plus tard, on retrouvera des débats similaires parmi la jeunesse lycéenne et étudiante des « années 68 » : entre celles et ceux qui voulaient organiser des syndicats ou collectifs larges et d’autres pour qui la priorité était la construction de « leurs » Jeunesses spécifiques. Mais revenons-en aux Jeunesses syndicalistes…

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L’actualité internationale des luttes et du mouvement syndical

De la lutte des infirmières de Californie à la résistance des ouvrier·es à la junte militaire du Myanmar, en passant par les combats des syndicats biélorusses face au régime autocratique et les mobilisations sociales contre le gouvernement et la crise sanitaire au Brésil, ou encore les luttes pour l’émancipation en Iran et celles contre la répression au Maroc, l’actualité internationale des luttes et du mouvement syndical est sur le site du Réseau syndical international de solidarité et de luttes 

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Sortir de l’invisibilité, des travailleuses dans la crise du Covid 19… et après

La crise sanitaire comme sa gestion étatique et patronale amènent le mouvement social, et particulièrement le mouvement syndical, à répondre concrètement et politiquement à une situation inédite dans la société française des dernières décennies. Ce moment articule de façon saillante les axes de luttes socio-économiques et politiques portées par un syndicalisme de transformation sociale , et comme toutes les situations de crise, il éclaire des enjeux de pouvoirs révélateurs des hiérarchies sociales et des inégalités qui font système dans nos sociétés. Dans la sphère du travail, les décisions publiques et les pratiques patronales en France en cette période de crise sanitaire ne touchent pas toustes les salarié·es de la même façon, et toustes n’ont pas les mêmes outils pour les affronter sur le terrain.

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Laisser la place aux premières concernées

L’intersectionnalité a fait sa réapparition en France, il y a une dizaine d’années, dans les champs universitaire et militant. C’est l’analyse des structures de domination et d’exploitation autour de trois piliers : la classe, le genre et la race. Ces trois systèmes ont leurs logiques internes, mais sont aussi interconnectés dans le système capitaliste. Dans le champ syndical, le mot a du mal à s’imposer, en raison de la prédominance de l’analyse des rapports sociaux de domination et de production autour de la classe, et de l’invisibilisation du genre et de la race. Ce concept est porté de plus en plus fortement par des femmes originaires du monde post-colonial, ayant grandi dans des milieux et/ou des quartiers populaires. Par ce concept et les analyses qui en découlent, elles s’attaquent à deux écueils des milieux militants : le sexisme des camarades dans le milieu syndical, mais aussi le racisme des féministes blanches à l’égard des femmes racisées.

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Biscaye : une victoire syndicale et féministe

Un conflit du travail ne se gagne pas simplement parce que nous avons raison ou que nos revendications sont justes ou tout à fait acceptables. Un conflit du travail se gagne avec des efforts, de l’organisation, des moyens et de la volonté. Un syndicat ne peut pas dire que son objectif est d’éradiquer la précarité pour ensuite, refuser la mobilisation faute de moyens pour la soutenir sur la durée.

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Féminisme et syndicalisme, je t’aime, moi non plus…

C’est dans la foulée du mouvement social de Mai 68, que va émerger ce qu’on va appeler la deuxième vague du féminisme (la première vague étant celle de la fin du 19e siècle/début du 20e siècle). Ce mouvement va poser la question de l’émancipation des femmes, de leurs revendications spécifiques et de leur oppression particulière, dans une société capitaliste et patriarcale.

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