Droits de l’enfant

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Dans l’histoire de l’humanité, ce n’est que récemment qu’est apparue la notion de « Droits de l’enfant », venant plus ou moins compléter la notion de « Droits de l’Homme » qui avait déjà eu des difficultés à être admise dans la majorité des pays. Cette nouvelle notion a pu se concrétiser dans quelques textes internationaux qui ont voulu faire passer l’enfant d’objet de droit à sujet de droit. La Convention Internationale des Droits de l’Enfant (CIDE) a été adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies le 20 novembre 1989 et est, à ce jour, en vigueur officiellement dans la quasi-totalité des pays membres des Nations Unies. Pour autant, là aussi, le fait que ce texte ait été adopté n’implique aucunement qu’il soit effectivement appliqué et respecté par tous ces pays.


Gérard Gourguechon, ex-secrétaire général du Syndicat national unifié des impôts (SNUI, aujourd’hui Solidaires Finances publiques), a été porte-parole de l’Union syndicale Solidaires jusqu’à son départ en retraite, en 2001. Il est aujourd’hui responsable de l’Union nationale interprofessionnelle des retraité.es Solidaires (UNIRS).


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PENDANT DES SIÈCLES, C’EST LA PUISSANCE PATERNELLE QUI DÉCIDE DES DROITS ÉVENTUELS DES ENFANTS

En ne remontant qu’à l’époque de l’antiquité romaine, la puissance paternelle est déjà comprise dans le droit naturel qui permet au père d’étendre ses prérogatives sur son enfant. Le droit des gens, c’est-à-dire le droit des autres nations de l’Empire, reconnaît aussi cette puissance paternelle. De fait, l’autorité du père sur ses enfants est partout pratiquée, de façon toutefois variable selon les pays et les traditions. Et l’individu ne demeurant pas dans un état infantile toute sa vie, les pouvoirs du père vont évoluer avec les ans qui font que l’enfant devient lui-même adulte. Dans le droit romain, tant que le fils de famille vit, il demeure sous l’autorité du père (c’est l’imperium du pater familias). Celui-ci peut le laisser vivre, le corriger, le punir, le tuer, le vendre. Ces différentes prérogatives vont évoluer en fonction des évolutions des modes de vie et des modes de pensée, pour passer par des stades où il y aura des différences selon les différentes régions de l’Empire. Dans les pays de droit écrit (la moitié sud de la France, par exemple), la puissance paternelle est régie par ce qu’il reste du droit romain. Dans les pays de droit coutumier (plutôt le nord de la France), la puissance paternelle est certes diverse selon les régions, mais, dans tous les cas, elle reste prédominante. Cette puissance paternelle place l’enfant sous la dépendance de son père, lequel dispose donc de droits sur la personne et les biens de son enfant. Et ceci va durer pendant des siècles. Sous l’Ancien Régime, le père pouvait, par exemple, avec une simple lettre de cachet adressée au roi, transférer d’office son enfant mineur en prison. Un décret des révolutionnaires du 16 mars 1790 va mettre fin à cet autoritarisme arbitraire. La puissance paternelle va être abolie pour les majeurs par une loi du 28 août 1792.

Pendant le même temps, au fil des siècles, la famille change et va progressivement devenir la famille nucléaire qui regroupe deux adultes, avec ou sans enfants. Et l’Etat va également changer. A compter du XVIe siècle, en France, l’Etat s’affirme progressivement comme le gardien des familles, leur tuteur, voire leur instance de surveillance et de contrôle. L’intervention croissante de la puissance publique dans l’éducation des enfants va se faire aux dépens de l’autorité du père. Le décret du 29 frimaire 1793 instaure un droit à l’éducation pour les enfants mineurs, ce qui sera une source d’émancipation pour le futur citoyen. Mais il y aura un long chemin entre l’adoption des textes et leur application effective sur l’ensemble du territoire.

Le Code Napoléon du 21 mars 1804 a contribué à revitaliser la puissance paternelle, mais celle-ci sera parfois contestée par les évolutions des modes de vie et des mœurs et par les évolutions de la jurisprudence. Ce renforcement des prérogatives du père sur ses enfants va, en effet, entrer en confrontation avec les idéaux révolutionnaires et démocratiques récents. Déjà le Directoire avait supprimé une partie des textes adoptés sous la Constituante et la Convention. Et le Consulat participe au renouveau de la puissance paternelle. Avec le Code civil, les pouvoirs du père sont renforcés dans un Etat fort. Le Code Napoléon fait plus ou moins de la famille un petit Etat dans l’Etat et instaure dans le foyer un père doté de nombreux pouvoirs qu’il utilise librement sur les membres de sa famille ; la mère est soumise au pouvoir du mari et les enfants sont soumis au pouvoir du père. En codifiant les pouvoirs du père dans la famille, le Code civil a plus ou moins voulu rétablir « l’ordre » au sein de la société, après la période de tumulte qu’elle aurait connue, selon les codificateurs, pendant la période révolutionnaire. Il s’agissait bien de « tourner la page » et Thermidor était passé par là. La doctrine des Révolutionnaires trouvait son fondement au sein d’un pacte social rejetant toute idée d’autorité et prônant l’abandon des droits individuels au profit de l’Etat. Les principaux rédacteurs du Code civil estiment que, durant la courte période précédente, l’égalité entre les hommes a été amplifiée de manière outrancière conduisant à l’éviction de l’autorité, tant de la puissance paternelle que de l’Etat. Ils veulent donc rétablir l’ordre public par le biais de la puissance paternelle, outil nécessaire à l’instauration de l’ordre au sein des familles. Pour Jean-Etienne-Marie Portalis, rentré en France après le coup d’Etat du 18 brumaire, et qui fut retenu par Napoléon Bonaparte pour participer à la rédaction du Code civil, c’est Dieu qui a conçu la famille et qui a créé la puissance paternelle. A ainsi été même inséré un article 371 relatif au respect de l’enfant à l’égard de ses parents : « L’enfant, à tout âge, doit honneur et respect à ses père et mère ». C’est la quasi-transcription de la Bible, et de l’un des Dix Commandements : « Honore ton père et ta mère afin d’avoir longue vie sur la terre que le Seigneur ton Dieu te donne ». Cet article 371 du Code civil, complété par l’article 380 du Code pénal, va être la base qui interdira à l’enfant de réclamer des dommages et intérêts à ses parents, que ce soit en matière civile ou pénale. Et même si l’enfant est victime d’actes de barbarie, aucun moyen juridique ne lui permet de limiter les abus du père de famille. Il en ira ainsi tout au long du début du XIXe siècle.

L’article 375 du Code civil de 1804 fait également mention des enfants : « Le père qui aura des sujets de mécontentement très graves sur la conduite d’un enfant, aura les moyens de correction suivants … » et il nous est expliqué, par exemple, que, pour l’enfant âgé de moins de seize ans, on pourra le faire détenir pendant un mois maximum sur simple demande au président du tribunal d’arrondissement et, qu’après seize ans et jusqu’à la majorité, la peine pourra aller jusqu’à six mois maximum. Ceci peut sembler « énorme » en 2021, mais, à l’époque, c’était tout de même un progrès : l’exemple est assez connu de Mirabeau qui fut mis en prison sur une simple lettre de cachet obtenue par son père.

C’est toujours avec l’idée de maintenir l’ordre au sein des familles, et peut-être aussi au sein de la société, que le législateur du Code civil de 1804 attribue au père un rôle de garant de l’ordre moral au cœur de la sphère domestique en le dotant d’un outil de contrôle des unions. Même lorsqu’il a atteint la majorité légale, l’enfant a encore l’obligation juridique de solliciter l’avis de ses parents à propos de son futur mariage. La puissance paternelle établie par le Code Napoléon met donc une sorte de « chape » sur les droits autonomes éventuels des enfants. Elle n’est toutefois pas une institution politique, faisant partie intégrante des autorités publiques, comme elle l’était dans la République Romaine. C’est plus l’organisation d’un pouvoir domestique, destiné à appuyer les moyens que les parents doivent employer pour donner une éducation convenable à leurs enfants. Cette puissance cesse donc lorsque la loi déclare que les enfants sont eux-mêmes adultes et sont directement acteurs dans la vie civile et dans l’état. Ceci arrive à la majorité des enfants, voire plus tôt si les parents y consentent et les déclarent émancipés.


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L’ÉMERGENCE DE DROITS DES ENFANTS

Progressivement, l’autorité paternelle devient plutôt une puissance tutélaire ayant pour but l’éducation physique et morale de l’enfant. Et la puissance publique va se glisser pour surveiller l’attitude des parents et s’assurer qu’ils n’abusent pas de leur pouvoir. L’immixtion progressive de l’Etat dans la sphère privée va notamment se faire sous couvert de considérations de justice qui justifieront qu’en pareil cas, l’intérêt de l’enfant exige que l’autorité paternelle passe en d’autres mains. C’est aussi l’intérêt social qui sera mis en avant : l’autorité paternelle doit être exercée correctement, ce qui sera une garantie de bon ordre dans la société et un auxiliaire de la puissance publique. 

Au début de l’industrialisation des pays d’Europe, en Angleterre, en Allemagne, en Belgique puis en France, le travail des enfants est la norme. C’est même le moyen d’avoir une main d’œuvre bon marché. C’est d’ailleurs le conseil donné par William Pitt, le Premier ministre, au début du XIXe siècle, aux manufacturiers anglais réclamant une baisse des impôts : « Prenez des enfants ! », sous-entendant qu’il s’agit là d’une main-d’œuvre bon marché qui compensera bien la non-baisse des impôts. Vers les années 1840-1850, les enfants de moins de 14 ans représentent 15 à 20 % de la main d’œuvre des manufactures et des usines. Le travail des enfants était déjà habituel dans l’agriculture et dans l’artisanat. Avec les nouvelles conditions de travail engendrées par l’industrie textile mécanisée, ce travail va s’apparenter à un nouvel esclavage. Les progressistes de l’époque vont souligner les effets mortifères pour les enfants de journées trop épuisantes : déformations physiques, rachitisme, tuberculose. Et la mortalité est également élevée. Dans certaines régions, en Angleterre comme en France, la moitié des enfants n’atteignent pas l’âge de 10 ans. En dehors des considérations humanitaires, des réflexions démographiques et militaires (moins de garçons devenant adultes, c’est moins de futurs soldats) vont aussi conduire les gouvernements à se soucier de cette situation et à y apporter quelques bornes. La première loi sur le travail des enfants voit le jour en Angleterre, le 29 août 1833. Elle s’applique à toutes les manufactures de textile qui font usage de machines à vapeur ou de roues hydrauliques.

C’est seulement au cours du deuxième tiers du XIXe siècle que le législateur, en France, semble avoir commencé à s’intéresser au sort des enfants, tout d’abord à partir du sort de celles et ceux qui produisent et qui travaillent dans les manufactures. Cette première prise de conscience résulte plus particulièrement des enquêtes de Louis-René Villermé durant la Monarchie de Juillet. Villermé est chargé de visiter les manufactures de coton, de laine et de soie, entre 1835 et 1837. Il va constater des conditions de travail très difficiles et une forte mortalité de la main d’œuvre, y compris une forte mortalité infantile. Tout ceci est rendu public dans son « Tableau de l’état physique et moral des ouvriers employés dans les manufactures de coton, de laine et de soie » qui paraît en 1840. La sensibilisation qui s’en suit amène au vote, le 22 mars 1841, d’une loi réglementant le travail des enfants, mais uniquement dans les manufactures, usines et ateliers : tout enfant de moins de 8 ans ne peut pas travailler dans une manufacture et, pour les enfants âgés de 8 à 12 ans, la journée est fixée à 8 heures de travail maximum. Elle est fixée à un maximum de 12 heures pour les enfants ayant entre 12 et 16 ans. La journée de travail peut être comprise entre 5h00 du matin et 9h00 du soir. Tout travail entre 9h du soir et 5h du matin est considéré comme du travail de nuit. Tout travail de nuit est interdit pour les enfants au-dessous de 13 ans. Bien entendu, ces lois soulèvent de fortes controverses, notamment parmi les libéraux de l’époque qui y voient tant une atteinte à l’autorité parentale qu’une mise en cause de la liberté d’entreprise. En 1843, Villermé renouvelle son opération, cette fois en Angleterre, où il publie un mémoire « Le travail et les conditions des enfants dans les mines de Grande-Bretagne ».

En Angleterre comme en France, le vote de ces lois venant limiter l’exploitation de la main d’œuvre enfantine ne va pas suffire pour changer réellement les choses. Les inspections sont rares, les amendes insuffisantes, les intérêts économiques des patrons sont pressants, et les parents pauvres sont parfois, eux aussi, hostiles à ces dispositions qui viennent les priver de quelques sous. Mais un mouvement d’opinion est tout de même lancé, conforté aussi par la publication de romans mettant en scène ces situations intolérables, comme David Copperfield (1850) et Les Misérables (avec Cosette, en 1862). 


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En France, la loi du 19 mai 1874 élève l’âge minimum à l’embauche à 12 ans, avec une journée de travail limitée à 6 heures, et à 12 heures pour les enfants de 13 à 16 ans. Cette loi crée 15 postes d’inspecteurs du travail, rémunérés par l’Etat, pour faire respecter la loi. Ce sera bien entendu très insuffisant pour surveiller les entreprises sur tout le territoire. Par la suite, le travail des jeunes enfants dans les usines et les manufactures va progressivement se réduire, mais c’est principalement lié à l’évolution des techniques de production dans l’industrie qui recherche désormais une main d’œuvre ayant une certaine technicité, ce qui suppose un minimum de formation. Le corps actuel d’inspecteur du travail est créé par la loi du 2 novembre 1892. Il s’agit cette fois d’inspecteurs fonctionnaires d’Etat, et non plus d’agents financés par les Conseils généraux et à leur initiative. Dans ce domaine, la France a été précédée par l’Angleterre (1844), l’Allemagne (1891) et les Etats-Unis.

Pendant le même temps, la généralisation de l’enseignement primaire, gratuit et obligatoire, par les lois Ferry de 1881 et 1882, va également contribuer à diminuer le nombre d’enfants au travail. En 1889, la notion de droits de l’enfant connaît une nouvelle avancée. Cette fois, la loi va s’intéresser, non plus à l’enfant producteur, mais à l’enfant par rapport à ses parents, voire par rapport à la société. Il s’agit de la loi du 24 juillet 1889 sur la protection des enfants maltraités ou moralement abandonnés. Le lien est de plus en plus souvent fait entre l’enfant coupable et l’enfant victime : le constat est fait que des actes délictueux commis par des enfants sont la reproduction de violences subies par ces mêmes enfants et la conséquence d’un manque de soutien familial préalable. Le juge et le législateur vont faire le lien entre la déviance éventuelle de l’enfant et la responsabilité familiale : la déculpabilisation partielle de l’enfant procède d’une culpabilisation de sa famille. C’est avec cette première loi protectrice de l’enfant que la puissance paternelle va commencer à être contrôlée et que son mauvais usage pourra être sanctionné.

Ainsi, les père et mère et ascendants peuvent être déchus de plein droit, à l’égard de tous leurs enfants et descendants, de la puissance paternelle, dans certains cas (s’ils sont condamnés pour un crime ou un délit commis sur la personne d’un ou plusieurs de leurs enfants, etc. ; s’ils sont condamnés pour séquestration, abandon d’enfant, etc.). En dehors de toute condamnation, les père et mère qui, par leur ivrognerie habituelle, leur inconduite notoire et scandaleuse ou par de mauvais traitements, compromettent soit la santé, soit la sécurité, soit la moralité de leurs enfants, peuvent également être déchus de la puissance paternelle. L’action en déchéance peut être intentée par un membre de la famille du mineur ou par le ministère public. Cette loi apporte par ailleurs des précisions quant aux protections à apporter aux mineurs placés à l’assistance publique. Ainsi, progressivement, l’Etat va s’immiscer dans le fonctionnement des familles pour sanctionner les parents en protégeant les enfants. En appelant la justice à intervenir dans la protection de l’enfance, en permettant même à l’Etat de saisir la justice, le législateur de la Troisième République rompt avec l’esprit du Code Civil qui privilégie la famille, considérée comme la protectrice « naturelle » de l’enfant. Désormais, la justice va pouvoir intervenir contre les droits des parents. La loi du 19 avril 1898 « sur la répression des violences, voies de fait, actes de cruauté et attentats commis envers les enfants » va s’inscrire dans le processus législatif commencé avec l’interdiction du travail des enfants de moins de huit ans, la scolarisation, et aussi la loi de 1874 qui réprimait la mendicité des enfants. Il s’agit de protéger les plus faibles et aussi d’agir en amont pour réduire la criminalité en mettant en place une politique en faveur de l’enfance, en la mettant à l’abri des agressions éventuelles qui pourraient nuire au meilleur épanouissement possible des facultés des futurs citoyens. C’est ainsi que va se développer la notion « d’enfant victime », lequel aura plus de « risques » de reproduire, adulte, les méfaits qu’il a pu subir dans son enfance. Depuis plusieurs décennies déjà, les enfants vagabonds des villes étaient considérés comme des « innocents coupables ». L’idée commence à se répandre que « c’est en intervenant auprès des enfants victimes que l’on prévient la délinquance juvénile ». Il s’agit, en fait, bien souvent, de mettre ainsi en place des politiques de prévention. L’idée d’éducation va primer celle de répression, même pour les enfants coupables.   


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L’AUTONOMISATION DES DROITS DES ENFANTS

Une lente évolution a donc été nécessaire pour que des « droits » soient reconnus aux enfants. Le départ a été difficile, dès lors que l’enfant n’était pas considéré comme une catégorie autonome. Et il n’est certainement pas nécessaire de s’interroger bien longtemps pour constater qu’en 2021 nous n’en sommes qu’à une étape et qu’il y a encore beaucoup de chemin à parcourir pour établir réellement et partout des droits aux enfants. Il fallait déjà que des « droits de l’homme » soient reconnus à l’ensemble de l’humanité. Nous savons que c’est seulement au terme d’une très longue évolution, de fortes tensions et d’ardentes luttes que cette notion est devenue un enjeu de société. En France particulièrement, ce sont des batailles culturelles, idéologiques, politiques, sociales et économiques, qui ont débouché sur une reconnaissance de « droits », qui ne sont restés que des droits théoriques pendant des décennies. Ils ont pu ensuite, lentement, devenir des droits réels auxquels chaque être humain pouvait se référer pour acter un éventuel préjudice et demander réparation.

Cette première étape n’a pas débouché spontanément sur des droits particuliers reconnus aux enfants. Il a été nécessaire de répondre plus ou moins précisément à un certain nombre de questions : tant qu’il n’est pas autonome, tant qu’il ne peut se suffire à lui-même, tant qu’il a besoin d’être nourri, protégé, entouré, élevé, éduqué, socialisé, etc., qui est chargé de tout ceci ? Et celui-ci peut-il le faire en totale liberté ? Ou avec des règles et un cadre fixés ? Avec un droit de regard et un contrôle exercés par qui ? Ce qui pose d’autres questions : à qui appartient l’enfant ? à sa mère ? à son père ? à ses parents ? à la société ? à lui-même ? Mais alors, comment s’organise cette autonomisation de l’enfant tant qu’il n’est pas en mesure d’exprimer et de formuler ses demandes ? Ces questions se posaient il y a cent ans ; elles se posent encore aujourd’hui, notamment quant à l’équilibre à trouver entre les envies des parents et l’épanouissement de l’enfant.

Tant que les enfants ont été considérés comme dépendant exclusivement de leurs parents, la société s’interdisait d’intervenir entre les parents et les enfants. Là encore, de lentes évolutions ont été indispensables pour amener à des changements dans les mentalités et dans les comportements. Il a été progressivement admis que la puissance publique pouvait avoir un regard particulier sur les enfants car ils ont besoin d’une protection supplémentaire du fait de leur plus grande fragilité et qu’ils sont des adultes en construction. Les droits des parents sur leurs enfants ont été complétés par des devoirs des parents à l’égard de leurs enfants, devoirs fixés par la société, et contrôlés par cette société.

Nous voyons ainsi évoluer la notion d’autorité parentale : de plus en plus, il s’agit de devoirs pour les parents à l’égard de leurs enfants, devoirs contrôlés par la puissance publique. Les parents vont devoir prendre des décisions dans l’intérêt de leur enfant, avec un objectif : assurer sa sécurité, sa santé, son éducation et lui apprendre à grandir. En France, cette autorité parentale s’exerce à l’égard des enfants tant qu’ils n’ont pas atteint l’âge de 18 ans, qui est l’âge « légal » de la majorité, et qu’ils sont donc sous le statut juridique de la minorité. Ce statut empêche la pleine autonomie de la personne considérée comme « mineure ». Mais il est aussi un régime de protection destiné à éviter que l’on abuse de la méconnaissance des jeunes personnes en ce qui concerne leurs droits. Le mineur est placé sous l’autorité parentale de ses parents ou, en cas d’absence des parents, sous l’autorité d’un tuteur. L’autorité parentale est donc désormais un ensemble de droits et de devoirs visant à protéger l’enfant. Les parents ont un devoir de protection et d’entretien de leur enfant : veiller à sa sécurité, le nourrir, l’héberger, prendre des décisions médicales, gérer son patrimoine, etc. Ils ont aussi le devoir d’apporter l’éducation morale, intellectuelle et civique à leur enfant afin qu’ensuite il puisse vivre en société. Cette autorité parentale ainsi conçue prend fin automatiquement à la majorité de l’enfant (actuellement 18 ans), mais elle peut s’arrêter avant quand il y a émancipation, à partir de l’âge de 16 ans, ou quand l’autorité est retirée aux parents par jugement.

S’il apparaît que ces droits ne sont pas respectés, la puissance publique peut être saisie. Le Défenseur des droits, compétent en matière de droits des enfants, est l’instance compétente pour s’assurer du respect de l’intérêt supérieur de l’enfant. Le Défenseur (ou la Défenseure) des droits peut être saisi par tout mineur de moins de 18 ans, par le ou les parents de l’enfant, par les membres de la famille de l’enfant, par ses représentants légaux (tuteur par exemple), par les services médicaux et les services sociaux et aussi par les associations de défense des droits de l’enfant. Il est compétent pour tous les enfants, français et étrangers, vivant en France, et pour les enfants français vivant à l’étranger. Ensuite, le Défenseur des droits peut être amené à informer les autorités judiciaires (par exemple, si l’affaire peut justifier une mesure de placement) ou les services du département (par exemple, si l’affaire implique l’intervention du service de l’Aide Sociale à l’Enfance – ASE).

UNE SENSIBILISATION TRANSNATIONALE

Après la Première Guerre mondiale, l’idée de conférer des droits aux enfants va devenir une motivation transnationale. Ceci sera perçu comme un élément pour construire une paix durable. En 1920 est créée à Genève l’International Save the Children Union (Union Internationale de secours aux enfants), à partir d’une association d’origine britannique (Save the Children Fund) et d’une association suisse (Comité international de la Croix-Rouge). En 1921, c’est l’Association internationale de la protection de l’enfant qui est créée, par des Français et des Belges. Le 1er septembre 1924, la Société des Nations (SDN) adopte une Déclaration des droits de l’enfant, dite Déclaration de Genève. C’est le premier texte international adopté dans ce domaine. Elle ne comporte que 5 articles mais reconnaît pour la première fois des droits spécifiques pour les enfants.

Après la Seconde Guerre mondiale, en 1947, est créé le Fonds des Nations-Unies pour l’Enfance (UNICEF), qui se consacre tout d’abord aux enfants européens puis aux enfants des pays en voie de développement. Le 10 décembre 1948, la Déclaration universelle des droits de l’homme reconnaît que « la maternité et l’enfance ont droit à une aide spéciale ». Deux nouveaux devoirs de l’humanité envers les enfants y apparaissent : l’enfant doit être protégé en dehors de toute considération de race, de nationalité et de croyance ; et l’enfant doit être aidé en respectant l’intégrité de la famille.

Le 20 novembre 1959, l’assemblée générale des Nations-Unies adopte la Déclaration des droits de l’enfant. Ce texte est signé par tous les membres de l’ONU de l’époque, mais il n’a aucune valeur contraignante et ne définit pas les âges de l’enfance. Le 20 novembre 1989, l’ONU adopte la Convention Internationale des Droits de l’Enfant (CIDE), qui introduit notamment la notion d’ « intérêt supérieur de l’enfant ». A ce jour, la plupart des Etats membres de l’ONU ont ratifié la CIDE, mais celle-ci n’a pas non plus de valeur contraignante. Elle sert toutefois de référence, et de moyen de pression dans les différents Etats et au niveau international pour faire avancer la cause des enfants. Cette reconnaissance progressive de droits spécifiques aux enfants oblige déjà à un accord sur la qualité des bénéficiaires, les enfants. Il s’agit donc de se mettre d’accord sur ce que sont « les enfants ». Chez les Romains, le terme « enfant » désignait la personne dès sa naissance jusqu’à l’âge de 7 ans. Et cette notion a beaucoup évolué à travers les siècles et selon les cultures : aujourd’hui, très généralement, l’enfant c’est l’être humain de sa naissance jusqu’à l’âge adulte, sachant que l’âge de la majorité varie d’une culture à une autre, et d’une législation nationale à une autre. La CIDE de 1989 précise que l’enfant c’est « tout être humain âgé de moins de dix-huit ans, sauf si la majorité est atteinte plus tôt en vertu de la législation qui lui est applicable ». L’enfant est un être humain, avec des droits propres à tous les être humains, mais particuliers compte tenu de la jeunesse et de la vulnérabilité de personnes qui ont plus de difficultés à se protéger seules. 

Les droits des enfants sont, avant tout, des droits humains. Ils ont pour vocation de protéger l’enfant en tant qu’être humain. Comme pour les droits de l’homme de manière générale, les droits de l’enfant sont constitués de garanties fondamentales et de droits humains essentiels. Ainsi, les droits de l’enfant consacrent les garanties fondamentales reconnues à tous les êtres humains : le droit à la vie, le principe de non-discrimination, le droit à la dignité, le droit à la protection de l’intégrité physique et mentale (ce qui couvre notamment la protection contre l’esclavage, la torture, les mauvais traitements, etc.). Ce sont aussi des droits civils et politiques, comme le droit à une identité et à une nationalité. Ce sont également des droits économiques, sociaux et culturels, tels que le droit à l’éducation, le droit à un niveau de vie décent, le droit de jouir du meilleur état de santé pouvant être atteint. Ces droits recouvrent aussi des droits individuels, comme le droit de vivre avec ses parents. Les droits des enfants sont aussi des droits adaptés aux enfants, lesquels n’ont pas souvent les moyens de les revendiquer et d’agir pour les faire reconnaître et appliquer. Il faut en effet tenir compte de la particularité des enfants, de leur plus grande fragilité et des spécificités liées à leur âge comme des besoins propres à leur âge. Ils tiennent compte de la nécessité de développement de l’enfant, tant physiquement qu’intellectuellement et psychiquement. Ces droits prennent en considération la plus grande vulnérabilité des enfants : il est plus nécessaire de leur apporter un cadre protecteur (leur accorder une assistance particulière et une protection adaptée à leur âge et à leur degré de maturité).


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En 2000, la CIDE a été renforcée par deux protocoles facultatifs soumis à ratification des Etats. Le premier protocole porte sur la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants. Le deuxième protocole concerne l’implication d’enfants dans les conflits armés. Un troisième protocole est entré en vigueur en 2014, après avoir été adopté en 2011. Il permet aux enfants issus de pays ayant ratifié ce protocole (ou à leurs représentants) de déposer une plainte devant le Comité des droits de l’enfant des Nations Unies lorsqu’ils estiment qu’un droit garanti par la CIDE et les deux protocoles facultatifs n’est pas respecté par leur gouvernement. La formulation, au niveau d’instances internationales, de droits reconnus aux enfants, est un progrès dans la sensibilisation des populations et dans la possibilité de responsabiliser les autorités politiques et publiques des Etats, mais ce n’est jamais une garantie que ces droits sont effectifs partout.

Ainsi, les violences sexuelles contre les enfants sont une grave violation des droits de l’enfant, et pourtant ceci reste une réalité mondiale à travers tous les pays et tous les groupes sociaux. Ces violences peuvent prendre différentes formes : abus sexuels, harcèlement, viol, exploitation sexuelle par la prostitution ou la pornographie, etc. Ceci peut se produire au sein de la famille, à l’école, dans les institutions, sur le lieu de travail, lors de voyages et de tourisme, etc. L’usage d’internet et des téléphones mobiles ouvre d’autres opportunités pour celles et ceux qui veulent recourir à de tels comportements. Ceci peut être le fait d’adultes à l’égard d’enfants, mais, entre eux, les enfants peuvent être acteurs ou victimes de violences sexuelles. L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) publie, chaque année, des estimations du nombre de filles et de garçons de moins de 18 ans qui auraient des relations sexuelles sous la contrainte : ce sont des dizaines et des dizaines de millions ! L’OMS ajoute que la réalité est probablement encore plus élevée du fait que la plupart des enfants et des familles ne font pas état de ces cas d’abus, de crainte d’être ensuite stigmatisés ou de subir des représailles. La tolérance sociale et le manque de sensibilisation et d’information contribuent également à la sous-déclaration de ces faits. Ces violences sexuelles ont, à court et à long terme, de graves et fortes répercussions sur la vie des victimes : répercussions physiques, psychologiques, sociales, traumatismes, détresse psychologique, impossibilité à retrouver une vie « normale », difficultés scolaires, difficultés tout au long de la vie.  

En novembre 2019, les signataires à l’ONU de la CIDE de novembre 1989 ont fait un bilan de 30 années d’application de la CIDE. Ce travail d’analyse montre tout le chemin qu’il reste à parcourir.

– En matière de santé : en 2017, 8,4 millions d’enfants mouraient encore chaque année avant leurs 15 ans, mais ils étaient 14 millions en 1989. Plusieurs maladies virales comme la rougeole, le tétanos, la polio, ont pratiquement été éradiquées puisque le taux de mortalité pour ces épidémies a baissé d’environ 90 % en 25 ans. Mais il n’en va pas de même pour le SIDA et pour le virus Ebola qui tuent de nombreux enfants, particulièrement en Afrique subsaharienne.

– En matière de malnutrition et d’accès à l’eau potable : le bilan reste dramatique, 2,6 millions d’enfants meurent chaque année parce qu’ils sont mal nourris. Plus d’un milliard de personnes n’ont pas accès à l’eau salubre et près de 3 milliards de personnes ne sont pas équipées de systèmes d’assainissement. Près de 2,5 millions d’enfants meurent chaque année de maladies dues au manque d’hygiène et 12 millions meurent chaque année, victimes de pneumonie, de diarrhée et d’autres maladies évitables par de simples mesures d’hygiène, d’accès à l’eau potable et à une alimentation suffisante.

– En matière de travail des enfants : il est souligné qu’environ 150 millions d’enfants travaillent dans le monde alors que les normes internationales l’interdisent. L’Organisation Internationale du Travail (OIT) montre que le nombre d’enfants utilisés économiquement dans le monde diminue, lentement mais régulièrement, parallèlement à une amélioration de la scolarisation de ces mêmes enfants. L’agriculture est le secteur qui a le plus recours au travail des enfants, mais il y en a également dans les services, l’industrie,  et l’économie informelle.

– En matière d’enfants soldats : la plupart des Etats ont signé les textes contre l’utilisation des enfants dans les conflits armés mais des enfants continuent d’être utilisés dans les guerres. Le rapport de la CIDE souligne que le recours à des enfants continue d’être recherché lors de conflits armés, car ils consomment moins de nourriture qu’un adulte, sont plus dociles, peuvent être poseurs de mines, messagers, espions, cuisiniers, esclaves sexuels, etc. Certains s’enrôlent pour fuir la maltraitance ou la pauvreté, et d’autres sont recrutés de force ou kidnappés.

– En ce qui concerne les enfants face à la guerre : les conflits armés font très souvent de nombreuses victimes civiles et, parmi elles, la moitié serait des enfants. Ces conflits font de très grands dégâts chez les enfants : des tués, des blessés, des invalides à vie, des êtres traumatisés par ce qu’ils et elles ont vécu, la mort de leurs parents, la destruction de leur cadre de vie, la fuite à l’étranger, le statut de réfugié, au mieux,

– En matière d’exploitation sexuelle des enfants : chaque année, plusieurs millions d’enfants et d’adolescents sont prostitués ou exploités sexuellement à travers le monde. Nous savons que ceci touche toutes les couches de la population, tous les milieux, tous les pays, mais la majorité des enfants prostitués et exploités sexuellement se trouvent dans les pays du tiers monde ou dans les catégories sociales les plus défavorisées des pays riches.  

– En matière de pauvreté des enfants : sur une période de 30 ans, le taux d’extrême pauvreté dans le monde a été réduit mais il y aurait encore près de 80 millions d’enfants pauvres dans le monde.

– En matière d’éducation : en 20 ans, le nombre d’enfants non scolarisés est passé de 115 millions à 93 millions et l’écart entre la scolarisation des filles et des garçons s’est réduit. Dans ce domaine également, les efforts et les solidarités internationales devraient être renforcés.

Le rapport contient des études sur un certain nombre de pays. Ainsi, un point est fait sur la situation en France. Il est souligné que la pauvreté touche encore 3 millions d’enfants, avec des conséquences désastreuses sur la scolarité, l’accès à la santé, le logement. Les discriminations touchent toujours les enfants selon leur origine sociale et ethnique. Sont rappelées les lacunes du système éducatif en matière d’intégration scolaire des enfants handicapés, et les discriminations dans les cantines scolaires. Sont mis en avant le droit à la connaissance de ses origines pour les enfants nés sous X et les difficultés de prise en charge des enfants par l’aide sociale à l’enfance, qui manque cruellement de moyens.     


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LES DROITS AINSI COUVERTS

Si on additionne les droits énoncés tant par la CIDE de 1989 que par la Déclaration des droits de l’enfant de 1959 et ceux de la Déclaration de Genève de 1924, on peut établir une liste assez significative de droits à partir desquels des luttes peuvent être menées pour leur donner une existence réelle partout.

Les droits civils garantissent : le droit à la vie, le droit d’avoir un nom et une nationalité, le droit à la vie privée, le droit d’accéder à la justice, le droit à la protection des enfants handicapés, le droit à la non-discrimination.

Les droits économiques garantissent : le droit à un niveau de vie suffisant, le droit à la protection contre l’exploitation au travail (le travail forcé), le droit à la sécurité sociale.

Les droits politiques garantissent : le droit d’avoir des opinions et de les exprimer (liberté d’association et de réunion, liberté d’expression, liberté de pensée, de conscience et de religion), le droit à la protection contre les mauvais traitements, le droit à la protection contre la privation, ou la restriction de certaines libertés.

Les droits sociaux garantissent : le droit d’être nourri et soigné par des médecins, le droit à la protection contre toutes les formes d’exploitation (notamment l’exploitation sexuelle), l’enlèvement et la drogue, le droit à la protection en cas de guerre (interdiction d’être soldat avant quinze ans).

Les droits culturels garantissent : le droit d’être éduqué (l’enseignement doit être gratuit et obligatoire pour tous), le droit à une information appropriée, le droit aux loisirs (jeux, culture, activités artistiques).

Mais, force est de reconnaître qu’il y a parfois un large fossé, voire un gouffre, entre ces droits affichés et la réalité vécue par les enfants sur l’ensemble de la planète. Le bilan fait en novembre 2019, et rappelé ci-dessus, des 30 années écoulées depuis l’adoption par l’ONU de la CIDE, montre les progrès accomplis mais souligne aussi tout ce qu’il reste à parcourir.

Ne serait-ce qu’en France, de très nombreuses lacunes et insuffisances sont souvent soulignées par les services et associations qui agissent dans ce domaine. Environ 3 millions d’enfants vivent sous le seuil de pauvreté, 1 enfant meurt tous les 5 jours sous les coups de ses parents, plus de 150 000 enfants sont victimes de viol ou de tentative de viol chaque année. A chaque fois, les dispositifs publics pour détecter, repérer, prévenir et empêcher ces situations sont très fortement défaillants. Ceci conduit à formuler des revendications pour améliorer cette situation : il faut renforcer les moyens de l’Aide Sociale à l’Enfance et consolider le Conseil National de la Protection de l’Enfance. Il faut améliorer le budget des hôpitaux, et notamment les services des urgences pédiatriques. Il faut appliquer intégralement ne serait-ce que le plan triennal contre les violences faites aux enfants et allouer des moyens pour la formation des personnes affectées au repérage des violences sexuelles. Il faut certainement améliorer la présomption simple de non-consentement visant à lutter contre les violences sexuelles à l’égard des enfants. Il faudrait pouvoir disposer d’un pôle d’avocats spécialisés pour défendre les enfants dans toute procédure les impliquant.

Nous percevons assez rapidement que l’octroi de « droits » aux enfants, ou la reconnaissance de tels droits, doit s’analyser différemment selon qu’il s’agit d’un enfant d’un ou deux ans, ou d’un enfant de 16 ou 17 ans. Les uns et les autres sont « des enfants », mais les nouveaux nés sont en totale dépendance des adultes qui les entourent alors que les jeunes de 16 ou 17 ans sont en phase d’autonomisation et sont souvent en mesure de discerner ce qui est fait à leur égard et qui va à l’encontre de leur personne. La législation de la plupart des pays a adopté une « norme » d’âge en-dessous duquel l’individu est un enfant, et au-dessus duquel il est un adulte : l’enfant, c’est l’être humain n’ayant pas atteint l’âge de la majorité, sachant que l’âge de la majorité est fixé par la loi dans chaque pays. C’est plus ou moins artificiel, pas du tout en liaison avec la réalité de la personne, mais il est probablement difficile de passer par une autre méthode. En revanche, il faut certainement envisager des étapes dans le suivi par la collectivité du développement de l’enfant. Pour les premières années de la vie, ce sont plus certainement les services sanitaires et sociaux, les services pédiatriques, en plus de la famille, des proches, du voisinage, qui peuvent constater si le jeune enfant bénéficie des soins et de l’attention nécessaires à son bien-être et à son développement. Et il faut qu’existent des services proches en mesure de recevoir des témoignages alertant sur les mauvais traitements. Avec le début de la socialisation de l’enfant (crèches) puis de sa scolarisation, plus d’intervenants extérieurs à la famille pourront être autant de vigiles en mesure d’apporter un regard extérieur sur la situation de l’enfant et, là encore, d’alerter des services en cas de mauvais traitement. A chaque fois donc, il y a bien immixtion de la puissance publique dans la famille pour veiller au bon développement de l’enfant. Chaque étape de scolarisation marque en général une évolution de l’enfant qui emmagasine des expériences nouvelles et qui acquiert progressivement des capacités d’analyse et de jugement propres. Progressivement, il sera en mesure d’exprimer lui-même ses plaintes quant à la situation qui lui est faite. Il est certain que l’autonomie de l’enfant s’acquiert fortement par le modèle qui lui est donné par son entourage proche, puis par l’ensemble de son entourage. Ce n’est pas particulier à l’être humain. Tous les mammifères, au moins, se constituent ainsi, avec l’apport et l’aide des adultes (la mère et le père le plus souvent, mais aussi le groupe), qui initient à découvrir l’environnement et le monde extérieur. Il est certain que le modèle va reproduire l’existant et donc plus ou moins perpétuer les normes sociales. Ensuite, dans la phase de construction des êtres humains viendront les phases de tensions avec les adultes, quand l’enfant ressent éventuellement le besoin de sortir de son cocon, d’aller vers d’autres découvertes, vers d’autres mondes. Ces différentes phases de développement de l’enfant avant son « passage » à l’âge adulte peuvent être assorties de rituels, selon les pays et les cultures, avec parfois des différences entre les filles et les garçons. Ici, il faut les analyser comme des étapes dans la socialisation des individus et leur entrée dans l’âge adulte. Les droits de l’enfant doivent pouvoir s’appliquer à tous les âges de l’enfance et ils peuvent entrer en conflit avec les droits des parents. Là encore, un équilibre difficile doit être trouvé pour limiter tout excès dans l’autorité parentale comme tout abus d’autorité de la part des autorités judiciaires et administratives.


Gérard Gourguechon

Gérard Gourguechon
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Gérard Gourguechon

ex-secrétaire général du Syndicat National Unifié des Impôts (SNUI, aujourd’hui Solidaires Finances publiques), a été porte-parole de l’Union syndicale Solidaires jusqu’à son départ en retraite, en 2001. Il est aujourd’hui responsable de l’Union Nationale Interprofessionnelle des Retraité-es Solidaires (UNIRS).