Women on Waves

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UNE EXPÉRIENCE INTERNATIONALE D’ACTION DIRECTE POUR L’ACCÈS DES FEMMES A L’AVORTEMENT

Statistiquement, chaque femme subira un avortement dans sa vie. Aujourd’hui, les techniques d’avortement sont sûres et sans danger pour la santé des femmes. En particulier, l’avortement médicamenteux est très efficace et présente très peu de risques de complications selon l’Organisation mondiale de la santé. Le viagra est plus dangereux ! Et l’on oublie souvent qu’un accouchement est plus dangereux pour la femme, qu’un avortement dans les douze premières semaines de grossesse, ce qui correspond à plus de 95% de l’ensemble des avortements. C’est donc la question de la légalisation de l’avortement et l’amélioration de son accès pour toutes, qui sont en cause dans les phénomènes de morbidité ou de mortalité des femmes. On est bien dans le champ de la décision politique.

L’histoire de Women on Waves commence quand Rebecca Gomperts, sa fondatrice, naviguait avec Greenpeace en tant que médecin. Partout, elle a vu des femmes subissant les conséquences d’avortements clandestins. Face à cette réalité, en 1999, elle a décidé de créer Women on Waves. L’idée était simple : dans des eaux internationales, la loi qui régit le bateau est celle de son pavillon. C’est-à-dire que sur un bateau hollandais, il est légal de faire des avortements médicamenteux en eaux internationales. Women on Waves est allé en Irlande, en Espagne, au Maroc, au Portugal… et au Guatemala, sur des bateaux loué. Pour l’anecdote, au Portugal, le bateau a été accueilli par deux navires de guerre, car le Portugal s’est refusé à donner accès à ses eaux nationales au nom de la sécurité nationale et l’ordre public. Deux ans après, la loi a changé. Au Guatemala aussi, à l’approche du bateau, le droit à l’avortement est devenu un enjeu de sécurité nationale aux yeux des dirigeants ! Au moment où la conférence de presse a commencé, le président de la république a ordonné à l’armée de l’interrompre. Un navire de la marine s’est positionné en face du bateau et l’équipe de navigation a été détenue, sans procédure formelle. Il a fallu passer par les tribunaux pour libérer l’équipe et le bateau. Quand l’État dit « de droit » a empêché toute action, nous avons décidé de partir. Une semaine après, un foyer qui hébergeait des jeunes femmes en errance ou des familles pauvres a subi un incendie. 40 jeunes femmes ont péri. La même armée qui est intervenue en quelques minutes pour empêcher l’action de Women on Waves, grâce aux efforts conjoints du président de la république et des tribunaux, a, cette fois, pris 40 minutes, laissant mourir 40 femmes. L’incendie s’est produit dans la capitale. Le bateau était dans un port à 2 heures de la capitale, d’accès beaucoup plus difficile.

La campagne au Guatemala a démontré que le droit à l’avortement est un enjeu de liberté fondamentale et de démocratie. Dans ce pays, en 48 heures, Women on Waves a reçu à peu près 300 appels de femmes demandant de l’aide, des informations, ou offrant leur appui à la campagne. 65 d’entre elles voulaient faire la procédure d’avortement dans le bateau. Même si l’État n’était pas intervenu, nous n’aurions pas eu les ressources suffisantes pour les aider toutes. C’est ainsi pour toutes les campagnes. Des femmes du monde entier ont écrit après les premières initiatives, demandant quand le bateau arriverait dans leur port. C’est ce qui a amené à l’idée d’utiliser internet pour les actions. Ainsi est née, il y a 10 ans, l’organisation partenaire Women on Web. En contactant Women on Web, les femmes peuvent poser des questions sur l’avortement à une équipe de conseiller·es et de médecins. Elles peuvent aussi avoir une consultation à distance, et recevoir, après l’accord du médecin, un colis avec des pilules abortives. Ceci, dans tous les pays où l’accès à l’avortement est restreint, légalement ou de facto.

Aujourd’hui, Women on Web a répondu aux questions d’un demi-million de femmes, et a distribué 50.000 colis de médicaments dans le monde, du Chili à l’Arabie saoudite. L’idée que l’avortement peut être géré par les femmes elles-mêmes, commence à se diffuser. Ces derniers jours [en 2017], le Parlement anglais a voté pour dépénaliser l’avortement effectué par les femmes elles-mêmes ; le travail de Women on Web a été souligné pendant la session parlementaire. Pourtant, il y a dix ans, le scénario était différent. Il a fallu produire des articles scientifiques pour prouver que l’avortement médicamenteux pouvait être fait par les femmes elles-mêmes. Aujourd’hui, la production de Women on Waves s’est élargie. En 2015, l’association a lancé la première recherche sur un rapport de causalité entre l’épidémie du Zika, qui a affecté profondément le Brésil, l’Amérique latine et l’Amérique centrale, et une augmentation de la demande d’avortement. Quelques mois plus tard, quand le Congrès irlandais discutait pour assouplir l’article constitutionnel qui interdit la réforme de la loi sur l’avortement, Women on Waves a publié une recherche démontrant que les femmes ne subissent pas des problèmes psychologiques après un avortement, que presque toutes les femmes éprouvent un soulagement après la procédure.

Comme Women on Waves occupait déjà les océans, les flux postaux et le numérique, il manquait l’action dans les airs ! En 2015, l’association a lancé sa première campagne de drones : un drone a volé d’Allemagne vers la Pologne, avec des pilules abortives. La campagne a été reconduite en 2016,  fois en Irlande. Le drone est révélateur de combien il suffit de quelques mètres, dans le contexte de l’Union européenne, pour que le statut des femmes et leur accès à la santé soient très différents. Par la suite, face aux blocages de sites web, ce qui est constamment le cas en Iran par exemple, Women on Waves a créé la première application pour l’avortement, disponible sur Itunes Store. Il y a plus de 10 000 téléchargements. L’application permet de contourner le blocage et de faire des consultations hors ligne. C’est une lutte sur tous les fronts, qui utilise la technologie, la recherche scientifique, le droit et la créativité. Elle met les Etats face à leurs propres lois et au régime international des droits humains. L’irrévérence de son répertoire d’actions en fait un cauchemar pour beaucoup d’Etats. Au Guatemala, en revanche, le bateau a été appelé par des journalistes indépendant·es « le bateau de l’espoir ».

Pour finir, l’association invite toutes les organisations, toutes les femmes intéressées à se joindre au projet de dindas, qui signifie marraine en portugais. Il s’agit de faire en sorte que des femmes européennes reçoivent les prescriptions de femmes brésiliennes, achètent les médicaments en pharmacie et les envoient par la poste au Brésil. Il faut contacter l’association pour en savoir plus. Après 15 ans, Women on Waves/Women on Web ont développé un savoir-faire pour la transformation des lois, et surtout pour la libération des femmes en dépit des lois, mais aussi du pouvoir institutionnel de la médecine, et de la biopolitique. Son approche est claire : si l’État se passe des droits des femmes, les femmes peuvent se passer de l’État !

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Laetitia Zenevich

coordinatrice du mouvement Women on Wawes