Quelques repères historiques

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DE L’ASSISTANCE A L’ASSURANCE SOCIALE

Avant la Révolution de 1789, l’assistance aux malades relevait d’une obligation religieuse et morale. Elle n’est pas un droit mais une aumône. Le droit à l’assistance pour tous est affirmé à travers la Déclaration des droits de l’Homme du 14 juin 1793, dont l’article 21 stipule : « la société doit la subsistance aux citoyens malheureux soit en leur procurant du travail soit en assurant les moyens d’exister à ceux qui en sont hors d’état de travailler. » Mais rien de tel ne figurait dans la Déclaration adoptée le 26 août 1789. Les canuts de Lyon (suivis par d’autres secteurs comme les mines ou les chemins de fer) mettront en place des sociétés de secours mutuel avec comme base la solidarité de classe entre travailleurs. Ces sociétés serviront à mettre en place une couverture sociale mais seront aussi utilisées comme organismes de lutte jusqu’à l’apparition des caisses de résistance et des chambres syndicales. Rappelons que la légalisation de l’organisation syndicale n’interviendra qu’en 1884 (loi Waldeck Rousseau). En 1852, Napoléon III, dans un esprit paternaliste, instaurera un nouveau statut des sociétés de secours mutuel qui favorisera leur développement ; évidemment, les droits des sociétés de résistance (embryon des syndicats) seront inexistants ! La reconnaissance légale des mutuelles date de 1898 ; elles se regrouperont en fédération nationale en 1902.

Le 9 avril 1898, une loi concernant les accidents du travail est votée. Elle est le résultat de la pression des organisations ouvrières, dans le contexte de développement industriel. Cette loi, limitée au départ aux salariés des professions industrielles, repose sur la notion de risque professionnel entraînant la responsabilité de l’employeur. Elle est ressentie comme une nécessité, mais la gestion des accidents du travail sera confiée aux employeurs qui feront appel aux compagnies d’assurance. C’est en 1909, qu’une loi sera adoptée pour protéger les femmes en couches du licenciement ; elle leur permet de suspendre leur contrat de travail pendant 8 semaines autour de l’accouchement. Elle sera complétée en 1913 par une loi instituant pour les femmes un repos obligatoire de 4 semaines après l’accouchement ; mais la compensation de la perte de salaire n’est organisée que dans le cadre de l’assistance des pauvres !

Le 5 avril 1910, est votée la loi tendant à mettre en place la retraite ouvrière et paysanne (ROP). Le financement de ces pensions sera assuré par capitalisation. L’âge de la retraite est fixé à 65 ans. Mais cette loi ne sera pas réellement appliquée. Déjà à cette époque, la CGT réclamait un système par répartition et dénonçait la capitalisation. C’est en 1920, que sera votée la première loi sur les assurances sociales. Mais face à l’opposition et aux pressions des grands industriels, elle n’entrera en vigueur que… 10 ans plus tard ! Notons qu’en 1927, le premier syndicat des médecins libéraux (la Confédération syndicale des médecins de France) est créé. Contre les futures assurances sociales, cette organisation élaborera la « charte médicale » dont les 4 principes fondateurs restent en vigueur aujourd’hui : le secret professionnel, le libre choix du médecin par le malade, la liberté de prescription et le paiement à l’acte. L’Ordre des médecins sera créé en 1940…

LA NAISSANCE DES ASSURANCES SOCIALES

La mise en place des assurances sociales obligatoires (maladie, maternité, invalidité, vieillesse, décès), à partir de 1930, sera le résultat d’un compromis. Les ouvriers et leurs syndicats exigeaient un système obligatoire généralisé, contrôlé par l’État ; le patronat voulait, au nom du libéralisme, confier la gestion de ces assurances sociales aux compagnies privées. Finalement, elles seront réservées aux salariés du commerce et de l’industrie, dont la rémunération ne dépassait pas un plafond. Le plafond sera supprimé en 1942.

En 1932, les allocations familiales obligatoires pour les travailleurs et travailleuses du commerce et de l’industrie sont mises en place. Elles seront étendues à l’ensemble de la population active salariée et non salariée (notamment les exploitant.es agricoles et les artisan.es). C’est la première forme de protection sociale pour les non salarié.es et les prestations versées sont indépendantes du salaire.

1945 : CRÉATION DE LA SÉCURITÉ SOCIALE

Dès le 15 mars 1944, le Conseil national de la Résistance propose « Un plan complet de Sécurité sociale, visant à assurer à tous les citoyens les moyens d’existence dans tous les cas où ils sont incapables de se le procurer par le travail, avec gestion appartenant aux représentants des intéressés et de l’État ». Pierre Laroque est chargé de concevoir un plan de Sécurité sociale en 1945 et ses propositions sont reprises dans l’Ordonnance du 4 octobre 1945, véritable acte de naissance du Régime général.  Les 4 et 18 octobre 1945, les ordonnances instituant la Sécurité sociale sont signées. L’article 1 de l’ordonnance du 4 octobre définit la finalité du système : « il est institué une organisation de la sécurité sociale destinée à garantir les travailleurs et leur famille contre les risques de toute nature, susceptibles de réduire ou de supprimer leur capacité de gain, à couvrir les charges de maternité et les charges de famille qu’ils supportent ».

Les trois principes fondamentaux de cette Ordonnance sont :

  • la généralisation progressive de la Sécurité sociale à l’ensemble de la population, celle-ci étant financée par une double cotisation à la charge des employeurs et des salarié.es ;
  • l’unité des institutions et l’universalité des risques, un régime unique doit être mis en place et des Caisses à compétence générale sont chargées d’appliquer les législations sociales ;
  • la démocratie sociale, les organismes de Sécurité sociale étant des organismes de droit privé dotés d’une autonomie de gestion et gérés par des Conseils d’administration composés de représentants et représentantes de salarié.es et d’employeurs.

En contrepartie de l’autonomie accordée, l’État exerce une tutelle légitimant ainsi la mission de service public remplie par les caisses.

C’est aussi en 1945 que sera instauré le quotient familial et que sera mise en place la Protection maternelle et infantile (PMI). Cette même année, un congé maternité de 14 semaines sera instauré. Et n’oublions pas que ce n’est que lors des élections municipales du 29 avril 1945 que les femmes pourront voter pour la première fois en France. En 1946, la loi pose le principe de l’assujettissement obligatoire à la Sécurité sociale de tous les Français et Françaises sans exception, quels que soient la nature et le montant de leurs revenus. Cette loi ne fut jamais appliquée et la création d’un régime unique fut un échec en France. En effet, la généralisation voulue par le législateur s’est heurtée à d’importantes résistances de la part des agriculteurs, des régimes préexistants qui souhaitaient garder leur spécificité (les « régimes spéciaux »). Quant aux commerçants, artisans et professions libérales, ils auront leur propre régime d’Assurance vieillesse, créé par la loi du 17 janvier 1948 et un régime d’Assurance maladie-maternité en 1966 en revendiquant des mécanismes de protection adaptés à leur profession. Un décret de juin 1946 maintiendra l’indépendance des régimes spéciaux. Le préambule de la Constitution de la 4e République du 27 octobre 1946 stipule notamment « La Nation garantit à tous, notamment à l’enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs. Tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l’incapacité de travailler a le droit d’obtenir de la collectivité des moyens convenables d’existence. » 

Les lois des 11 et 30 octobre 1946 instaurent la médecine du travail et régissent la prévention et la réparation des accidents du travail. Elles seront désormais gérées par la Sécurité sociale. En avril 1947, se déroulent les premières élections des représentant.es des assuré.es sociaux aux Conseils d’administration des caisses de Sécurité Sociale. La CGT obtiendra 60 % des voix mais se retrouvera en minorité dans de nombreuses caisses du fait d’une alliance entre la CFTC et le patronat. Cette même année, un accord interprofessionnel mettra en place le régime complémentaire retraite des cadres. L’AGIRC (Association générale des institutions de retraite des cadres) verra le jour également en 1947. Le SMIG (Salaire minimum interprofessionnel garanti) est instauré en 1950. En 1952, le régime de retraite des exploitants agricoles sera créé et il sera géré par la Mutualité sociale agricole (MSA). Le Fonds national de solidarité (FNS) destiné à financer le minimum vieillesse est mis en place en 1956. La vignette automobile est créée à cet effet !

SOUS LA 5E RÉPUBLIQUE, LES ATTAQUES VONT SE MULTIPLIER

Les premières attaques sous la présidence de De Gaulle : la Constitution de 1958 (article 34) donnera une nouvelle définition du domaine réglementaire qui permettra au gouvernement d’augmenter ou de baisser les cotisations et les prestations.L’année 1958 voit se mettre en place l’assurance chômage à la suite de la conclusion d’une convention entre organisations syndicales et patronales. L’Agence nationale pour l’emploi (ANPE) sera, elle, créée en 1967.Cette même année, une réforme de l’hôpital est lancée avec notamment la création des CHU (centres hospitaliers universitaires).La première attaque d’envergure contre la Sécu est portée en 1960. Les décrets du 12 mai 1960 instaurent une tutelle de l’État sur les caisses à vocation nationale et vont permettre la création des Unions pour le recouvrement des cotisations (URSSAF) pour collecter ces dernières ; missions jusqu’alors exercées par les caisses primaires et d’allocation familiale. Le pouvoir des directeurs d’organismes de Sécurité sociale est renforcé (au détriment des Conseils d’administration).Ces décrets vont aussi jeter les bases de nouvelles relations avec le corps médical, au travers des premières conventions avec les médecins, conclues au niveau départemental entre les syndicats des professions médicales et les caisses primaires. Il sera notamment prévu le remboursement des frais médicaux sur la base de tarifs fixés par la Sécurité sociale et les pouvoirs publics.L’assurance maladie, maternité obligatoire des exploitants agricoles voit le jour en 1962. C’est aussi cette année que sera créée l’ARRCO (Association des régimes de retraites complémentaires) pour la retraite complémentaire de salariés non-cadres.

Une nouvelle attaque importante se déroule au cœur de l’été 1967. Le ministre Jeanneney sort 4 ordonnances le 21 août 1967. La « réforme » instaure la séparation des risques en 3 branches distinctes (famille, maladie, vieillesse) et la Caisse nationale de Sécurité sociale est éclatée en 3 caisses spécialisées (famille, maladie, vieillesse). Les URSSAF seront elles chapeautées par une Agence centrale du recouvrement un an après. Les élections des administrateurs et administratrices sont supprimées et le paritarisme est instauré. Il y aura une moitié des administrateurs et administratrices désignée par le patronat et une moitié par les organisations syndicales. Il y aura aussi une réduction des prestations avec notamment l’augmentation du ticket modérateur qui passera de 20 à 30%.

La parenthèse créée par mai 1968 : Mai 68 permettra d’obtenir satisfaction sur nombre de revendications : le SMIG augmentera de 35 %, le ticket modérateur baissera de 5 %, l’allocation minimum au personnes âgées sera augmentée…En février 1969, un décret décidera l’exonération du ticket modérateur pour les frais afférents aux maladies longues et coûteuses. Ce droit concernera 21 maladies au lieu de 4 précédemment.En 1970, la loi hospitalière établira la carte sanitaire et le découpage du territoire en secteurs sanitaires. Cela permet à la fois de planifier les besoins de santé mais aussi de les rationaliser.En 1971, la première convention nationale est signée entre la Confédération des syndicats médicaux français (CSMF) et l’assurance maladie. Cette même année, la loi Boulin réforme les retraites. Le montant des prestations est porté de 40 à 50 % du salaire moyen des 10 meilleures années pour 37,5 années de cotisations. Deux années supplémentaires par enfant sont attribuées aux mères de famille. En 1972, les retraites complémentaires sont généralisées à l’ensemble des salarié.es de l’industrie et du commerce.

Les attaques dans le cadre de la « crise économique » à partir de 1976 : en octobre 1973, les événements au Proche-Orient ouvrent une crise pétrolière et économique marquant la fin de la période dite « des trente glorieuses ».  En 1977, le plan Veil comporte 12 mesures drastiques dont la réduction à 40 % du remboursement des médicaments dits de confort.En juillet 1979, un nouveau plan est concocté par le ministre Barrot. Il prévoit notamment :

  • la mise en place d’un ticket modérateur d’ordre public (qui ne peut pas être pris en charge par la complémentaire) qui ne sera jamais appliquée et qui sera abrogée en 1981 par P. Mauroy (mais l’idée sera reprise plus tard),
  • une cotisation « maladie » qui est mise en place sur les pensions vieillesse,
  • la création de la commission des comptes de la sécurité sociale,
  • la création du secteur à honoraires libres (avec des dépassements non remboursables) pour les médecins.

En mai 1981, François Mitterrand est élu à la présidence de la République. En 1982, l’âge du départ en retraite est abaissé à 60 ans. Il s’agit d’un progrès indéniable qui sera ensuite régulièrement attaqué et rogné. En 1983 est créée l’ASF (Association pour la structure financière) qui permet de bénéficier à un taux plein de retraite complémentaire à 60 ans. De 1981 à 1985, les plans se succèdent (Nicole Questiaux qui va augmenter les cotisations, sous la pression de Jacques Delors ; puis Pierre Bérégovoy qui va appliquer le « tournant de la rigueur » de juin 1982 en freinant des dépenses de santé). Contrairement à ses engagements, le gouvernement de gauche ne procède pas à la réforme du financement de la Sécurité sociale ; au contraire, il engage de nouvelles augmentations de cotisations pour les salarié.es et baisse les cotisations des employeurs, il augmente le tarif des consultations et réduit les remboursements.

C’est en 1983, qu’apparaît le « forfait hospitalier » qui sera fixé à 20 francs ; il ne cessera ensuite d’augmenter ! La même année, se dérouleront les dernières élections à la Sécurité sociale (il y a 3/5 de représentants des syndicats et 2/5 de représentants patronaux). En 1984, le gouvernement met en place le budget global pour l’hôpital public qui remplace la tarification au prix de journée. Quelle que soit l’activité, l’hôpital doit se débrouiller pour fonctionner avec la somme allouée. En 1986, Chirac devient 1er Ministre. Dans la foulée, son gouvernement lance le plan Seguin 1 qui prévoit des restrictions concernant la prise en charge à 100 % des affections de longue durée. Les vignettes bleues apparaissent pour les médicaments dits de confort et de nombreux autres médicaments ne sont plus remboursés. Malgré les mobilisations, le plan s’applique et il sera suivi par le plan Seguin 2 qui s’attaquera aux retraites.  En novembre 1987, le gouvernement organise des Etats-généraux de la Sécurité sociale sur le thème « sauvons la baleine ». Ce sera un échec.

La systématisation progressive des attaques avec la globalisation financière : progressivement, la prédominance du capitalisme industriel va être supplantée par celle du capitalisme financier. Ceci va commencer en Grande-Bretagne et aux États-Unis, avec Margaret Thatcher et Ronald Reagan, à la fin des années 1970. Différentes étapes vont marquer tout le début de cette période, avec un ensemble de décisions prises par de plus en plus de gouvernements de libéraliser toujours plus les capitaux, qui pourront traverser les frontières, sans limites, sans contrôles, sans taxes ni impôts, sans cotisations, etc. Ensuite, les gouvernements imposeront à leurs citoyens des mesures de rigueur salariale et budgétaire au motif qu’il faut attirer les capitaux, mobiles sur la planète, pour investir, créer des emplois, relancer l’économie, etc. Partout il faudra « réduire les charges des entreprises » (impôts, taxes, cotisations, salaires, etc.), ce qui aura des conséquences sur les budgets publics et sociaux, et sur la répartition des richesses et les inégalités, et se concrétisera notamment par d’incessantes mises en cause de la Sécurité sociale.

En France, cette période s’ouvre, en 1988-1989, avec la décision du gouvernement Rocard, avec Pierre Bérégovoy aux Finances, de permettre aux capitaux d’entrer et de partir du territoire français sans contrôles ni limites. La « marque » en sera le début du remplacement des cotisations sociales liées aux salaires par un impôt qui ne sera plus « à la charge des entreprises ». En 1989, le gouvernement Rocard met en place le RMI (Revenu minimum d’insertion). Sous Rocard, les entreprises bénéficieront de nombreuses exonérations de cotisations. Une partie des prestations familiales est mise sous condition de ressources.En novembre 1990, la CSG (Contribution sociale généralisée) est créée, fixée au départ à 1,1 % des revenus. C’est le début du passage de la cotisation sociale à un impôt (même si la CSG reste affectée à la Sécu) pour financer la Sécurité sociale.En 1990, Rocard et son ministre Evin présentent le livre blanc sur les retraites. Il sera largement utilisé pour justifier les réformes futures.

En 1991, la réforme hospitalière met en place les Schémas régionaux d’organisation sanitaire (SROS), censés « décloisonner » l’offre de soins. En refondant les procédures de planification hospitalière, cette loi consacre « l’hôpital – entreprise » au détriment de l’hôpital public. Les conséquences seront la suppression de lits, voire d’établissements, l’éloignement et la rationalisation des soins, la compression des effectifs, la précarisation des emplois et la promotion de l’hospitalisation privée. On peut considérer cette « réforme » comme le point de départ (même si d’autres avaient préparé le terrain) de la dégradation de l’hôpital public et de la santé en général qui se continue aujourd’hui.En août 1993, le gouvernement Balladur sort des décrets qui allongent la durée de cotisation pour la retraite, de 37,5 à 40 années de cotisation, qui calculent la pension sur les 25 meilleures années au lieu des 10, l’indexation des pensions et des salaires portés au compte sur les prix, et instaurent une décote de 10 % par année manquante… Bref, qui conduisent à travailler plus longtemps pour toucher une pension moindre. En parallèle, est créé le FSV (Fonds de solidarité vieillesse) pour prendre en charge les avantages non contributifs relevant de la solidarité nationale (minimum vieillesse, majoration de pension pour enfants à charge, validation des périodes de service national et de chômage).Sur le plan de la santé, le plan Veil de « maîtrise des dépenses » diminue les remboursements (de 70 à 65 %), augmente la CSG (elle passe à 2,4 %), supprime 12 000 lits hospitaliers, augmente le forfait hospitalier qui passe à 55 francs.

En mai 1995, Chirac est élu président de la République sur le thème de la lutte contre la « fracture sociale ». Ce thème sera vite abandonné car le gouvernement lance en octobre 1995 le plan Juppé – Barrot. C’est un plan de réorganisation du système de protection sociale avec d’une part des réformes structurelles (organisation et pouvoirs des caisses, régulation des dépenses de santé, réforme des régimes spéciaux de retraite) et d’autre part des mesures « d’urgence » destinées au rééquilibrage des comptes. Un important mouvement social fera reculer le gouvernement principalement sur les régimes spéciaux ; les autres aspects du plan Juppé entreront en vigueur par voie d’ordonnances :

  • Création de la Contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS) fixée à 0,5 % des revenus et de la Caisse d’amortissement de la dette sociale (CADES).
  • La CSG passe de 2,4 à 3,4 %
  • Le Parlement est désormais compétent pour se prononcer sur l’équilibre des comptes. Il vote chaque année la Loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) et fixe l’Objectif national des dépenses d’assurance maladie (ONDAM).
  • Instauration de la maîtrise médicalisée des dépenses de santé avec notamment la création des Agences régionales de l’hospitalisation, qui ont comme mission de réduire l’évolution des dépenses au niveau régional et de restructurer l’offre de soins en répartissant les enveloppes financières.
  • La réforme réinstaure le paritarisme au niveau des Conseils et abandonne définitivement le principe de leur élection. Cela va permettre une redistribution des pouvoirs, des changements d’alliance entre le patronat et les syndicats. La CFDT sera récompensée de son soutien au plan Juppé en récupérant la présidence de la CNAM au détriment de FO qui la présidait depuis près de 30 ans. Précisons quand même qu’au fil des réformes, le rôle du Conseil et du président de la CNAM s’est fortement réduit.

Finalement, la réforme Juppé a renforcé le poids de l’État dans la Protection sociale et lui a donné plus de marges de manœuvre pour intervenir directement.

En 1998, la CSG augmente de nouveau et passe à 7,5 %. En 2000, la CMU (Couverture maladie universelle) est mise en place ainsi que l’AME (Aide médicale d’Etat). En 2001, le MEDEF et la CGPME quittent le Conseil de la CNAM et des caisses primaires. Le motif officiel est le financement des 35 heures par la Sécurité sociale mais en réalité, le patronat veut tourner la page d’une histoire issue du rapport de forces qui existait à la Libération. Citons le MEDEF qui déclarait en 2002 « la protection sociale contre le risque maladie, les risques de la famille, et de l’exclusion ne relèvent plus de l’entreprise mais de la solidarité nationale ». Autrement dit, cela doit relever de l’État et de l’impôt mais plus des cotisations. En 2002, le congé paternité (de 2 semaines) et l’APA (Allocation perte d’autonomie) sont mis en place.

Les attaques sont désormais une partie normale du cycle des « réformes à mettre en place de façon courageuse » : en France, après la réélection de Chirac en 2002, la protection sociale sera de nouveau la cible des attaques gouvernementales et patronales.En 2003, c’est le plan Fillon sur les retraites (passage de 37,5 à 40 années pour les fonctionnaires, passage de 40 à 41 ans pour le privé, décote de 5 % par an). Malgré les mobilisations, la réforme des retraites sera promulguée le 21 août 2003. En 2004, une nouvelle réforme de l’Assurance maladie est lancée par Douste-Blazy et Xavier Bertrand : création d’un Dossier médical personnel (DMP) pour chaque assuré.e, au plus tard le 1er juillet 2007. Il comportera des éléments diagnostics et thérapeutiques reportés par les professionnels de santé et les établissements. Ce sera un cuisant échec, sa mise en place réelle ne se fera qu’à partir des années 2018/2019 !

Le parcours de soins est organisé autour du médecin traitant. Chaque assuré.e devra en désigner un, sous peine de voir ses remboursements minorés. Pour inciter à une prise en charge coordonnée des soins, la convention médicale (signée le 17 janvier 2005) peut permettre des dépassements d’honoraires pour certains médecins spécialistes. Le dépassement d’honoraires est applicable en l’absence de passage par le médecin traitant. Le dispositif des Affections de longue durée est durci par la mise en place d’un protocole de soins établi par le médecin traitant. Le protocole est opposable et sa non-présentation entraîne la suppression de l’exonération du ticket modérateur lié à l’ALD. La coordination de la prise en charge des soins par les régimes obligatoires et complémentaires est indispensable. Un décret définira des contrats responsables, qui ne devront pas couvrir les dépenses induites par un non-respect du parcours de soins, sous peine de perdre le bénéfice des exonérations fiscales et sociales. Pour lutter contre les abus et les fraudes, la loi renforce le contrôle médical et sanctionne les pratiques abusives : arrêts de travail injustifiés, actes ou traitements ne respectant pas les bonnes pratiques. En cas de fraude, des sanctions financières peuvent être prises à l’encontre de l’assuré ou du professionnel de santé. La carte Sesam-Vitale sera dotée d’une photo de l’assuré. Une aide à l’acquisition d’une complémentaire sous la forme d’un crédit d’impôt est créée, son entrée en vigueur est prévue pour le 1er janvier 2005. Elle concerne les personnes dont les revenus se situent au-dessus du plafond de la CMU, mais qui ne dépassent pas de plus de 15 % ledit plafond. Notons que c’est l’un des rédacteurs de cette réforme, F. Van Roeckeghem, qui deviendra le directeur général de la CNAM pour appliquer la réforme.

Avec l’arrivée de Sarkozy à la présidence de la République, en 2007/2008 de nouvelles réformes (Fillon/Bachelot) vont notamment instaurer des franchises médicales (ponctions sur les actes médicaux, médicaments, actes d’auxiliaires médicaux…), mettre en place la loi Hôpital patient santé territoires (HPST), qui va continuer la transformation de l’hôpital public en hôpital-entreprise, qui va mettre en place les Agences régionales de santé(ARS)  qui vont régenter, sous les ordres du ministère, les questions de santé au niveau régional. C’est une « réforme » des retraites en 2010 qui fera progressivement reculer l’âge de départ en retraite de 60 à 62 ans, durcira fortement les conditions pour les carrières longues et augmentera la cotisation des fonctionnaires.

En 2012, Hollande devient président de la République. Non seulement, il ne supprime pas les franchises médicales qu’il dénonçait quand il était dans l’opposition mais il continue la politique de ses prédécesseurs notamment sur l’hôpital avec la loi santé de Marisol Touraine en 2015. Le seul point positif qu’on puisse lui accorder est le retour des « carrières longues » que Sarkozy avait supprimées. Il fera lui aussi une « réforme » des retraites qui allongera progressivement la durée de cotisations à 43 ans, qui augmentera les cotisations, qui décalera la revalorisation des pensions d’avril à octobre puis instaurera le gel des pensions…

Et aujourd’hui avec Macron/Philippe, nous assistons à une volonté de renforcer le poids de l’État dans la Protection sociale qui risque d’aboutir à une étatisation de la protection sociale et notamment de la Sécurité sociale. Sans oublier sa volonté d’instaurer un système de retraite à points pour tous.

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Alain Caillot

Retraité de la Caisse primaire d’assurance-maladie de Rouen, Alain Caillot a été membre de la Commission exécutive de l’Union fédérale SUD Protection sociale dès sa création en janvier 2003 ; il en sera secrétaire national de 2006 à 2012. Aujourd'hui, il est membre de la Commission Protection Sociale de l’Union syndicale Solidaires et membre du Bureau de Solidaires Seine-Maritime