Le Syndicat de la magistrature

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Le Syndicat de la magistrature a pour ambition de veiller à ce que l’autorité judiciaire puisse exercer sa mission en toute indépendance, d’agir pour la défense des libertés et des principes démocratiques et de sauvegarder les intérêts professionnels des membres du corps judiciaire. Il revendique à l’égard de tous les pouvoirs qui se sont succédés depuis sa fondation un droit de critique et une indépendance absolue. Dans un corps très syndiqué, le Syndicat de la magistrature est le deuxième syndicat représentatif, recueillant un quart à un tiers des voix aux élections professionnelles. Il est représenté dans les instances par ses élus au Conseil supérieur de la magistrature, à la Commission d’avancement, dans les instances de dialogue social nationales et locales.


Fondé en 1968, le Syndicat de la magistrature est, dans sa profession, la première organisation à s’être constituée sous la forme syndicale.


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Le Syndicat de la magistrature reste attaché à ses positionnements originels qui associent étroitement la défense des intérêts des magistrats à celle des libertés et principes démocratiques qu’il considère comme indissolublement liés. Inscrivant son action dans l’ouverture à la société civile et au mouvement social, il s’attache ainsi à faire entendre une autre voix pour une autre justice. Il porte une vision offensive de la défense des magistrats dont le prolongement naturel se trouve dans la dénonciation sans concession des errements de la justice. Il intervient au cours du processus législatif et produit des analyses détaillées sur de nombreux projets de lois. Il exerce une importante action contentieuse, notamment devant les juridictions administratives : c’est le combat pour la justice par le droit. Indépendant et reposant sur des instances internes démocratiques, ouvertes à tous les magistrats, de l’Ecole nationale de la Magistrature (ENM) à la retraite, il s’appuie sur un travail d’approfondissement théorique constant et s’inscrit dans une dynamique internationale.

Le Syndicat de la magistrature, fidèle aux principes qui fondent une justice indépendante et égale pour tous, continue de proposer et de conduire un syndicalisme résolument offensif, ambitieux et sans compromis, quelles que soient les majorités politiques en place.

Une défense intransigeante des droits des magistrats et de leur indépendance

Le Syndicat de la magistrature est, historiquement, la première organisation à s’être constituée sous la forme syndicale. Depuis, il n’a jamais cessé de défendre les droits des magistrats. C’est à lui que l’on doit d’ailleurs l’arrêt Obrego rendu par le Conseil d’État en 1972 qui fonde la reconnaissance du fait syndical dans la magistrature. Même si le statut garantit des droits aux magistrats, ceux-ci sont fragiles en raison des failles internes aux textes et des pratiques, du ministère à la hiérarchie judiciaire. Les occasions ne manquent pas pour le SM de réaffirmer son combat pour la reconnaissance et le respect des droits des magistrats, non pas à leur seul profit, mais au bénéfice de la société toute entière. Le SM s’est vivement opposé aux tentatives de déstabilisation de Juges des libertés et de la détention (JLD) par leurs chefs de juridiction en assistant les collègues et en lançant l’alerte sur ces pratiques d’atteinte à leur indépendance. Le JLD, ici déchargé de ses fonctions pour incarcérer trop peu, là inquiété pour être trop soucieux des droits des étrangers, n’était à l’époque pas protégé par une nomination par décret. Le combat syndical a payé, cette protection statutaire ayant été reconnue par la loi du 8 août 2016.

Poursuivant sa lutte pour la reconnaissance des droits dans la procédure d’enquête administrative diligentée par l’Inspection, le SM a obtenu des avancées non négligeables, bien que toujours insuffisantes, en matière de respect du principe du contradictoire et de droits de la défense. Il a emporté la conviction du Conseil supérieur de la magistrature (CSM) qui, dans une décision du 11 juillet 2013, a écarté des débats les auditions d’une collègue, considérée comme vulnérable, qui avaient duré 14 h 45, dont une audition continue de 7 h 50 sans assistance ni délivrance de la copie du dossier. Poursuivant la lutte pied à pied, le SM a finalement convaincu, en octobre 2016, l’Inspecteur général de la Justice d’étendre les droits à tout magistrat ou fonctionnaire. Si le droit d’être assisté par un tiers pendant les auditions et de se voir remettre une copie de la procédure d’enquête administrative est désormais applicable à toutes les enquêtes en cours, le syndicat poursuit sa lutte pour que ces droits soient désormais inscrits dans les textes, et pas seulement dans un projet de service.

Contrairement aux autres organisations syndicales, le SM a soutenu Renaud Van Ruymbeke dès l’origine, en initiant des pétitions et en participant à des manifestations de solidarité en faveur de ce magistrat emblématique de la lutte contre la corruption internationale. Il a été présent à ses côtés jusqu’au terme de la longue procédure disciplinaire dont il a fait l’objet, notamment lors de l’audience devant le CSM en octobre 2012, ultime épisode de la tentative de déstabilisation. Au-delà de ces affaires emblématiques, le SM apporte son soutien à de nombreux magistrats, du siège comme du parquet. Quand certains d’entre eux ont été inquiétés, il est intervenu dans des juridictions pour défendre la liberté de parole à l’audience et l’autonomie des magistrats du parquet niée par la hiérarchie. Il a pu aussi s’élever publiquement contre la mutation forcée de procureurs généraux qui avaient déplu au ministre. Enfin, le Syndicat de la magistrature a été le premier à adresser aux magistrats un guide de leurs droits, outil synthétique et pratique pour faire respecter leur statut. Il l’a complété par un petit abécédaire de la vie en juridiction. Autant d’objets pour lutter contre une administration qui souvent ne s’embarrasse pas de principes.


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La défense de la justice contre la stigmatisation démagogique des magistrats

La justice est rendue publiquement, au nom du peuple français. À ce titre, elle doit pouvoir être contestée dans son exercice, par les voies de recours évidemment, mais également dans le débat public. L’institution doit rester accessible à la réflexion critique sur les pratiques professionnelles, sans entrave abusive à la liberté d’expression : il ne doit pas y avoir de sanctuaire pour la justice. Si la critique, même vive, est un aiguillon désirable, à tout le moins nécessaire, les manœuvres de déstabilisation, de stigmatisation démagogique heurtent l’équilibre des pouvoirs dans une démocratie. Le Syndicat de la magistrature se fait alors un devoir de réagir publiquement contre des accusations faciles puisqu’elles visent des magistrats soumis au devoir de réserve. Ce qui est en jeu, ce n’est pas l’ego blessé des magistrats, mais bien notre système institutionnel et la confiance des citoyens dans la justice. Lorsqu’elles émanent du milieu politique, voire de l’Exécutif, les attaques répétées, parfois ad hominem, se font d’autant plus virulentes qu’elles visent à nier à la justice le droit de s’intéresser aux affaires. En bref, à faire diversion. Il n’y a pas à transiger : une classe politique ne devrait pas dire ça.

La stigmatisation démagogique crée un climat qui autorise périodiquement le dénigrement de l’institution judiciaire, par exemple quand des organisations syndicales policières manifestent sous les fenêtres des palais de justice pour contester une mise en cause ou une condamnation qui leur déplaît. Quand l’exemple vient de si haut dans l’architecture du pouvoir – passé, en place ou en campagne – il n’y a rien d’étonnant à de tels débordements. Les procès faits à la justice mêlent accusations de laxisme et d’acharnement coupable, selon qu’elle exerce son office sur ceux qui relèveraient de son public naturel ou sur ceux qui revendiquent une impunité pour eux-mêmes. Accusations de politisation, de partialité et de dogmatisme sont alors les paravents d’un mépris plus profond, d’un refus de la justice, relayé avec complaisance par certains médias. La critique argumentée et constructive de la justice a toute sa place dans une démocratie. Sa mise en cause à des fins populistes est intolérable. La pression ainsi exercée sur les magistrats doit être combattue pied à pied : le Syndicat de la magistrature s’y emploie avec détermination, notamment dans les médias. Il y rappelle le respect dû aux institutions, débusque les confusions savamment entretenues et les doubles discours de ceux qui ne voudraient de justice qu’à leur service.

Un positionnement  résolument anti-corporatiste

L’accusation de corporatisme est souvent brandie pour contester toute expression critique dans la magistrature. S’il est fondamental de refuser cet étiquetage commode et de faire entendre avec force les protestations légitimes qui émanent du corps judiciaire, il est également nécessaire de ne pas taire les dysfonctionnements réels de notre institution. Il ne s’agit pas seulement de se mettre à l’abri d’un reproche facile, mais de revendiquer la justice pour la Justice. Au risque de déplaire, le Syndicat de la magistrature a toujours assumé cette exigence de dénonciation responsable des dérives judiciaires qui nuisent à la justice et à la cohésion sociale. Cet anti-corporatisme se situe à l’opposé d’une conception du syndicalisme fondée sur un déni aussi illégitime qu’inefficace de la faillibilité du système et de ses acteurs. La mission d’un syndicat de magistrats est aussi de rappeler que la justice est rendue « au nom du peuple français » et qu’à ce titre, elle n’est pas à l’abri de la critique.

Cette liberté de critique a valu au SM d’être poursuivi pour discrédit jeté sur une décision de justice en raison d’un communiqué qui critiquait la décision d’une cour d’appel refusant la prise en charge d’un mineur isolé étranger. La relaxe s’imposait et la motivation du jugement du 23 novembre 2016 est exemplaire : « le Syndicat de la magistrature a vocation, en tant que syndicat de magistrats, à défendre non seulement les droits individuels et collectifs de ces professionnels, mais également l’institution judiciaire, cette défense ne pouvant toutefois signifier, sauf à lui faire perdre toute substance et tout intérêt, une approbation inconditionnelle de l’ensemble des actes et décisions de nature juridictionnelle ou la soumission dudit syndicat à un devoir de réserve similaire à celui exigé des magistrats pris individuellement ». Au-delà, le SM n’a pas peur du regard extérieur sur la justice. Il a été la seule organisation syndicale de magistrats favorable à ce que ces derniers déclarent, tout comme les juges administratifs et financiers, leurs intérêts susceptibles de faire naître un conflit dans l’exercice de leurs fonctions. Le syndicat est attentif en revanche à ce que cette obligation déontologique ne constitue pas un obstacle à l’engagement des professionnels de justice dans la vie de la cité. Refusant l’entre-soi, il est favorable à une majorité de non-magistrats au Conseil supérieur de la magistrature et milite pour des conseils de juridiction ouverts.

Une action constante  pour les moyens de la justice

Si la qualité de la justice rendue n’est pas seulement liée aux moyens dont dispose l’institution judiciaire, elle en est éminemment dépendante. Or, le budget de la justice est depuis toujours notoirement insuffisant. Même quand une augmentation est votée, il reste bien en deçà des standards européens, selon les rapports successifs de la Commission européenne pour l’efficacité de la justice (CEPEJ). Avec constance, le Syndicat de la magistrature dénonce le manque criant d’effectifs de fonctionnaires et de magistrats qui ne permet pas aux juridictions de fonctionner correctement, et encore moins de faire face aux réformes successives (réforme des tutelles, élargissement des compétences du JLD, introduction de la libération sous contrainte). Seul le dévouement des personnels permet à un service public au bord de l’asphyxie d’assumer ses missions ; mais les délais de traitement s’allongent au civil pendant que les procédures expéditives sont favorisées au pénal.

Les experts et les interprètes sont payés avec plusieurs mois de retard, si bien que beaucoup refusent désormais leur collaboration aux juridictions, compliquant encore davantage le quotidien des professionnels et pénalisant les justiciables.


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L’état du service public de la justice a été notablement aggravé par la réforme de la carte judiciaire. Depuis, le SM a obtenu avec d’autres l’abandon du projet de tribunal de première instance (TPI) dont le seul but, à peine masqué, était, par la mutualisation, de donner tout pouvoir aux chefs de juridiction pour affecter, selon leur bon vouloir, les personnels dans des juridictions déjà gravement paupérisées. Luttant pour la sauvegarde des tribunaux d’instance, il continue à veiller à ce que ce TPI ne soit pas réintroduit par la grande ou la petite porte. La mise en place de budgets opérationnels de programme aboutissant à la création de super cours d’appel et l’affectation d’administrateurs civils dans les Services administratifs régionaux (SAR) ont en outre éloigné les décideurs des personnels. Le SM alerte régulièrement les pouvoirs publics sur l’état de la justice et ses conséquences sur les personnels et les justiciables. Il a ainsi organisé avec le Syndicat des avocats de France des tribunaux d’opinion (à Besançon, Créteil, Le Havre, Lille, Montpellier, Toulouse) mettant en accusation l’État pour non-assistance à justice en danger. Ces procès symboliques ont réuni les professionnels du ministère de la Justice, magistrats, fonctionnaires, éducateurs, conseillers d’insertion et de probation et leurs partenaires, avocats, policiers, associations d’aides aux victimes, experts, interprètes… Le SM signale régulièrement à la chancellerie la situation gravissime de certains tribunaux – par exemple Créteil, Nice, Bobigny, Nancy, Cambrai, Fort-de-France, Cayenne – et a pu obtenir l’allocation d’effectifs supplémentaires.

Chaque année, à l’occasion de la circulaire de localisation des emplois, il réclame des créations de postes, s’opposant à la politique du ministère qui refuse de « créer de la vacance de poste ». Le SM soutient à l’inverse la nécessité de localiser les emplois à la mesure des besoins, ce qui permettra d’objectiver le caractère excessif de la charge de travail, notamment pour les collègues. Le SM effectue régulièrement des visites dans les juridictions pour échanger avec les collègues et les soutenir en cas de besoin. Face aux conséquences pour les justiciables de la situation déplorable du service public de la justice, le SM n’hésite pas à mettre concrètement l’État devant ses responsabilités. Il s’est par exemple associé aux actions en justice visant à dénoncer la paralysie des juridictions prud’homales qui ont abouti à la condamnation – bien réelle – de l’État pour des délais excessifs.

Un inlassable combat  contre la logique managériale et productiviste

Face à une conception productiviste du service public de la justice, le Syndicat de la magistrature défend une justice de qualité, soucieuse de ses usagers et respectueuse des professionnels. Dans les groupes de réflexion mis en place par le ministère depuis 2011 sur la charge de travail des magistrats, le SM lutte résolument contre l’adoption de normes excessives. En son temps, il s’était opposé à l’application de la méthode lean dans les juridictions, ce procédé, issu de l’industrie automobile, ayant pour seul but d’accroître la productivité au mépris de la qualité du service rendu aux justiciables et de ses spécificités.

Le SM dénonce régulièrement l’abandon de la collégialité et le recours à des procédures sans procès dont le seul objectif est l’économie du nombre de magistrats et l’augmentation de la productivité de chacun. Il a ainsi critiqué les Comparutions sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC) ou le recours accru en matière civile à une fausse collégialité où les assesseurs font de la figuration. Convaincu que la concentration du pouvoir entre les mains de la seule hiérarchie favorise cette logique managériale, le SM milite pour davantage de démocratie en juridiction. Au-delà de ses revendications visant à donner plus de pouvoirs aux assemblées générales, ses représentants participent activement aux commissions restreintes, plénières ou d’études et sont un relais pour les collègues auprès des chefs de juridiction. Le SM milite ainsi pour une réforme en profondeur de la procédure d’évaluation, infantilisante par ses absurdes appréciations littérales et ses grilles analytiques. Il se bat afin qu’elle cesse d’être un instrument utilisé par les chefs de juridiction pour fixer des objectifs quantitatifs aux magistrats et les contraindre à entrer dans une logique purement gestionnaire et qu’elle devienne un outil d’appréciation et d’amélioration de la qualité du service rendu. Le SM réclame que le changement de grade soit indépendant de l’évaluation. Il aide de nombreux collègues à formuler des observations et exercer des recours gracieux et devant la Commission d’avancement. Hostile à une prime modulable qui peut atteindre jusqu’à 18% du traitement indiciaire et qui, du fait de l’opacité de ses critères d’attribution, constitue un moyen de pression pour les chefs de cour, le SM revendique depuis toujours sa suppression et l’intégration de l’enveloppe correspondante dans la partie fixe du traitement. Au-delà de cette contestation de fond, le SM assiste devant les juridictions administratives les collègues victimes de cet arbitraire avec un certain succès puisque ces juridictions ont fait droit à deux recours, l’un en raison d’une discrimination liée au handicap, l’autre au motif que le chef de cour – qui reprochait au collègue de ne pas travailler suffisamment – n’avait pas pris en compte ses difficultés.

Un décryptage critique  de l’activité législative

Le Syndicat de la magistrature est entendu à l’Assemblée nationale et au Sénat sur tous les textes et travaux ayant une incidence judiciaire. Il rédige alors des observations écrites détaillées, mêlant critiques de forme, de fond et parfois propositions d’amendement, qu’il transmet à l’ensemble des magistrats, aux parlementaires, à ses partenaires associatifs et à la presse. Il intervient de la même manière dans les instances internes au ministère de la Justice (commission permanente d’étude, comité technique des services judiciaires et ministériel, commissions de réflexion créées à l’initiative du ministère) sur les projets de loi ou de décret. Lorsque les textes sont adoptés, le Syndicat de la magistrature poursuit son action, notamment devant le Conseil constitutionnel en rédigeant des observations, portes étroites qu’il rend publiques. Nos positions s’appuient sur des convictions fortes et sont toujours étayées techniquement. Le SM développe en effet des argumentations précises pour alimenter le débat public sur les réformes judiciaires et peser, parfois avec succès, sur leur contenu dans l’intérêt de l’institution judiciaire et des justiciables. Le syndicat puise dans des réflexions anciennes qu’il questionne, renouvelle et enrichit au cours des débats en conseil syndical, lors des stages et dans les groupes de travail.


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Très impliqué dans le mouvement social et se nourrissant de contacts réguliers avec des chercheurs, le SM est ainsi en capacité d’apporter une vision large des enjeux qui touchent les questions judiciaires. Il peut produire des analyses collectives – comme il l’a fait pour la défense des libertés publiques sous l’état d’urgence ou d’un droit du travail protecteur de l’ordre public social – et organiser des mobilisations collectives avec des associations de la société civile et des syndicats. Défendre ensemble un budget de la justice à la hauteur et non vampirisé par la prison, protester contre l’extension des dispositifs de surveillance des citoyens non soumis à des règles strictes et à un contrôle judiciaire préalable, soutenir des dispositifs assurant la protection des plus précaires dans les procédures d’expulsion sont autant de terrains que le Syndicat de la magistrature investit collectivement.

En matière pénale, il soutient la reconnaissance de garanties procédurales fortes et effectives. Il s’oppose au développement des dispositifs dérogatoires qui déséquilibrent la procédure pénale, à la multiplication des procédures expéditives qui marginalisent le débat judiciaire et servent la logique répressive, ainsi qu’aux obstacles dressés contre le droit à un recours effectif. Il promeut une décroissance pénale dans une matière doublement dévoyée par l’injonction à la réponse systématique et la multiplication des infractions. Dans cette logique, il défend la primauté de l’éducatif pour les enfants et adolescents et refuse, pour tous, la centralité de l’enfermement. Il s’oppose à la diffusion d’une philosophie de la dangerosité qui se substitue à l’humanisme pénal. Dans les matières civiles, qui doivent retrouver toute leur place dans le quotidien judiciaire, il soutient les mesures procédurales propres à assurer l’accessibilité au droit et au juge. Le syndicat s’attache à la promotion d’un droit qui assure ou rétablisse l’égalité entre les citoyens, en matière familiale ou de droit des étrangers. Il se bat pour sauvegarder l’office de protection du juge dans les contentieux essentiels et rétablir les équilibres sociaux, des tutelles au contentieux prud’homal en passant par les contentieux civils du quotidien, de fond et d’exécution. Le Syndicat de la magistrature défend un modèle démocratique équilibré, dans lequel l’indépendance de la justice est assurée et son rôle de garante des libertés reconnu, contre les volontés de marginalisation au profit de l’Exécutif, notamment par le développement de mesures répressives de police administrative.

La défense de la justice  par le droit

L’arrêt Obrego du 1er décembre 1972 marque la première victoire du Syndicat de la magistrature dans un combat contentieux : victoire fondatrice puisqu’il s’agissait de la reconnaissance du fait syndical et du droit de critique dans la magistrature par le Conseil d’État. Depuis, le SM n’a jamais hésité à utiliser « l’arme du droit » – pour reprendre le titre d’un ouvrage de la sociologue Liora Israël – quand ses revendications se heurtent à la surdité de l’administration. Il l’utilise, devant les juridictions administratives, pour la défense des collègues contre les décisions injustes de l’administration ou de la hiérarchie, allant de l’exclusion injustifiée d’auditeurs de justice à l’issue de la scolarité aux décisions relatives à l’évaluation ou à l’avancement. Le syndicat intervient au soutien de collègues pour faire reconnaître leurs droits.

Il lutte tout particulièrement contre les formes de discrimination. Par le passé, il a obtenu contre la Chancellerie une décision de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (HALDE) établissant trois cas de discrimination syndicale dans le recrutement des enseignants à l’ENM. Allant plus loin, les juridictions administratives ont reconnu et sanctionné ce type de discrimination, ainsi qu’une discrimination, visible à travers la fixation d’un taux de prime modulable, tenant au handicap d’un magistrat. Au-delà des recours individuels, il conteste par des recours administratifs et des questions prioritaires de constitutionalité (QPC) les textes qui portent atteinte à l’indépendance de l’autorité judiciaire ou qui le privent de toute marge d’appréciation. Il a ainsi agi contre l’instauration des primes au mérite, mais aussi contre diverses formes d’empiétements sur les prérogatives judiciaires, par exemple par les états-majors de sécurité ou les Directeur des services pénitentiaires d’insertion et de probation (DSPIP) dans la détermination des modalités de suivi des condamnés et par les policiers au travers de la transaction pénale. Il a agi devant le Conseil constitutionnel pour faire censurer le principe de l’expulsion locative de droit en cas de condamnation d’un occupant en matière de stupéfiants. Ces actions ont, pour la plupart, été entendues. Le syndicat défend une vision large de son intérêt à agir devant les juridictions : s’étant donné pour mission de lutter pour les droits et libertés, il est déterminé à agir en ce sens, y compris en justice. Le syndicat exerce ces recours aux côtés des organisations qu’il côtoie au sein du mouvement social et de défense des libertés. Il a ainsi engagé des recours contre le fichage ou le développement de mesures quasi répressives de police administrative qui, s’ils n’ont pas été couronnés de succès, ont permis de nourrir le débat public.

En matière de droit des étrangers, le SM s’est associé aux recours formés par ses partenaires habituels (le GISTI, l’Observatoire de l’enfermement des étrangers, l’Association nationale d’assistance des étrangers aux frontières, la CIMADE, …) contre de nombreux textes. Enfin, le SM s’est activement engagé auprès de l’Observatoire international des prisons (OIP) et du Syndicat des avocats de France (SAF), par le biais de référés-libertés devant plusieurs tribunaux administratifs afin de faire reconnaître le danger imminent couru par les personnes emprisonnées du fait des conditions indignes de leur détention, à Marseille par exemple. Les juridictions ont reconnu les faits dénoncés ainsi que le danger existant et ont imposé à l’État de diligenter certains travaux. Le syndicat continue à mener, aux côtés de ses partenaires, des actions similaires pour contraindre le gouvernement à prendre des mesures effectives contre la surpopulation carcérale et l’état scandaleux de nombreux établissements pénitentiaires.


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Un travail d’approfondissement  théorique. Parce qu’il ne saurait exister de syndicalisme judiciaire conséquent sans la constitution et l’actualisation d’une doctrine syndicale claire, cohérente et argumentée, le Syndicat de la magistrature n’a de cesse de se confronter aux questions théoriques posées par l’apport du droit et le rôle de l’institution judiciaire et ce, à l’aune des enjeux nouveaux posés par l’évolution de la société. Ainsi, les groupes de travail du SM produisent des contributions comme celle, en 2010, sur la nécessaire réforme du ministère public, qui demeure d’actualité, et celle, plus récente, sur la comparution immédiate. Ils organisent des colloques, comme l’a fait en 2017 le groupe de travail accès au droit, sur le thème « Les chemins de l’accès au droit : exclusion et droit ». D’autres événements sont directement organisés par le bureau du syndicat en lien avec des intervenants extérieurs (chercheurs, praticiens…). À l’occasion de ses congrès annuels, il organise des colloques sur des thèmes aussi divers que « De la loi au juge : une imaginaire neutralité », « Le droit et la justice à l’épreuve de la violence terroriste » ou « Liberté, sécurité, soins, la nouvelle diagonale du fou ». Les stages annuels de formation viennent compléter ces réflexions autour de questionnements sur « Une société sous surveillance », « Comment l’économie travaille la norme» ou « Les institutions : en finir avec le déséquilibre des pouvoirs»… Dans la perspective des élections présidentielles et législatives de 2012, puis de 2017, le Syndicat de la magistrature a travaillé à l’élaboration d’un projet cohérent pour la justice et les libertés articulant constats, analyses et propositions de réforme « Pour une révolution judiciaire ». Rappel doctrinal de la pensée du Syndicat de la magistrature, cette plateforme aborde de nombreux sujets : la réforme du Conseil constitutionnel, du Conseil supérieur de la magistrature, les nominations, le ministère public, la formation et l’évaluation des magistrats, le fonctionnement des juridictions, le statut pénal des ministres et du chef de l’État, la justice pénale, la justice des mineurs, les contrôles d’identité, les droits des étrangers, le droit du travail…

L’inscription du combat syndical  dans un cadre collectif

Le Syndicat de la magistrature a la conviction que la sauvegarde du service public de la justice est l’affaire de tous, que la réflexion à plusieurs est plus riche et que les revendications collectives ont plus de poids. Pour lui le syndicalisme judiciaire se doit d’être ancré dans la cité. Aussi, il entretient depuis longtemps des relations privilégiées avec les organisations de fonctionnaires du ministère. Au comité technique ministériel (CTM), le SM agit en lien avec les représentants des fonctionnaires des services judiciaires, de la protection judiciaire de la jeunesse et de l’administration pénitentiaire pour peser face à l’administration. De même, il participe activement à d’autres instances à caractère social comme le Conseil national de l’action sociale (CNAS) et la fondation d’Aguesseau. Premier syndicat de magistrats à avoir investi les Comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail départementaux (CHSCT-D), il y siège ainsi qu’au CHSCT ministériel.

Pour le SM, la solidarité avec les fonctionnaires n’est pas qu’un mot, c’est une préoccupation constante autant qu’un facteur d’efficacité syndicale. Il le démontre en soutenant les mobilisations pour la défense du service public et contre les politiques d’austérité et dans des actions intersyndicales, par exemple aux côtés de la CGT, l’UNSA-Justice, FO, la CFDT et la FSU en manifestant son désaccord profond avec une réforme du Secrétariat général du ministère de la Justice menée à marche forcée, sans égards pour le dialogue social. Le syndicat travaille en lien avec les organisations professionnelles de magistrats administratifs, sur les questions relatives au droit des étrangers ou à nos statuts respectifs, avec les syndicats de la protection judiciaire de la jeunesse sur la justice des mineurs ou avec les syndicats des conseillers pénitentiaires d’insertion et de probation sur le sens de la peine. Il valorise l’action unitaire, par exemple au sein des instances, et propose régulièrement aux autres syndicats de magistrats des actions communes.

L’histoire ancienne et récente du SM se caractérise par une volonté constante d’établir des relations fructueuses avec des partenaires extérieurs. Désireux non seulement de porter les revendications des magistrats et les valeurs de justice au cœur du mouvement social et citoyen, mais aussi d’intégrer à ses réflexions et prises de position les problématiques d’autres professions et organisations, il participe à de nombreuses initiatives collectives. En fonction de l’actualité et de thématiques de fond, il agit dans des coordinations réunissant syndicats et associations, menant de front actions communes dans la rue et production de documents analytiques approfondis. Ainsi, le SM s’est fortement mobilisé avec les collectifs engagés contre l’état d’urgence et ses débordements dans la procédure pénale. Les actions menées dans ce cadre ont conduit à l’abandon du projet de constitutionnalisation de l’état d’urgence et de la déchéance de nationalité pour les auteurs d’actes terroristes. Le SM est également membre du collectif « Pour en finir avec les contrôles au faciès », militant pour une réforme globale de la procédure des contrôles d’identité. Sur certains sujets, il travaille avec des syndicats de policiers, la CGT police sur la loi relative au renseignement ou le SNUITAM-FSU Intérieur-Police, pour dénoncer les manifestations policières organisées contre des décisions judiciaires au mépris de la sérénité et de l’indépendance de la justice.

En matière de droit des étrangers, il agit en lien avec des organisations comme le Groupement d’information et de soutien des immigrés (GISTI), la CIMADE, Amnesty International ou l’Association nationale d’assistance aux frontières pour les étrangers (ANAFE) qui veille au respect des droits des personnes retenues dans les zones d’attente. Il est également membre fondateur de l’Observatoire de l’enfermement des étrangers (OEE) qui dénonce sans relâche la banalisation de l’enfermement administratif. Les mobilisations de ce collectif ne sont sans doute pas étrangères à la dépénalisation du séjour irrégulier et aux dispositions – encore insuffisantes ! – prises concernant la rétention des familles. La première saisine du Défenseur des droits dénonçant le harcèlement et les violences policières commises par les forces de l’ordre contre les migrants dans la région de Calais avait d’ailleurs été portée avec de nombreuses autres organisations et associations et donné lieu à des recommandations importantes de cette autorité.

Le SM est par ailleurs membre fondateur de l’Observatoire des libertés et du numérique (OLN) aux côtés de la Quadrature du Net, Amnesty International France, le CECIL, Creis-Terminal, le SAF et la LDH. L’OLN a pour objet de sensibiliser et mobiliser pour la protection des données personnelles et la défense des libertés numériques face à la généralisation du fichage, des techniques de surveillance étatique et privée, dans un cadre plus large de défense des droits et libertés. Il mène aussi un combat contre la délinquance économique et financière, notamment dans sa dimension internationale, avec d’autres syndicats et organisations issues de la société civile comme Transparency International, Survie, Sherpa, Anticor, et au sein de la plateforme des paradis fiscaux. Par les relations qu’il entretient avec d’autres syndicats et associations, le SM contribue donc à faire entendre la voix des magistrats et les revendications d’une justice progressiste et soucieuse des libertés dans le corps social.

Une activité internationale féconde

La majeure partie des enjeux auxquels est actuellement confrontée la justice se retrouvent à l’identique ou presque dans les autres pays. Limitée au champ national, l’action syndicale se priverait d’une dimension essentielle. Le Syndicat de la magistrature est membre fondateur de MEDEL, l’association des Magistrats européens pour la démocratie et les libertés, créée en 1985. MEDEL regroupe actuellement 21 associations nationales de magistrats comptant plus de 15 000 membres et bénéficie d’un statut participatif auprès du Conseil de l’Europe. Via MEDEL, le SM peut prendre position sur de nombreux sujets et porter à l’étranger la voix des magistrats français. Ainsi, MEDEL a adopté en 2012 un manifeste sur « La justice face à la crise » qui appelle à défendre l’indépendance de la justice et les droits sociaux, ainsi qu’à lutter contre la corruption. En 2016, la déclaration de Paris a appelé l’Union européenne et ses États membres à mettre fin aux graves violations des droits des migrants et à œuvrer pour qu’ils disposent des moyens de saisir les juridictions chargées de faire respecter les droits fondamentaux et de sanctionner leurs violations. Mais, au sein de MEDEL, le SM mène aussi activement des combats au soutien de collègues étrangers en difficulté : après avoir défendu le juge espagnol Baltasar Garzon ou les magistrats serbes, MEDEL se bat contre les révocations massives, arrestations et incarcérations arbitraires de magistrats turcs. L’association est intervenue auprès des commission et parlement du Conseil de l’Europe et de l’Union européenne pour dénoncer les atteintes graves aux libertés fondamentales et la destruction de l’État de droit en Turquie.

Le SM s’implique également dans la construction et le renforcement de la justice internationale. C’est donc naturellement qu’il est membre du bureau de la Coalition française pour la Cour pénale internationale (CFCPI), qui regroupe 43 organisations, dont Amnesty International, Avocats sans frontières, le Barreau de Paris, Médecins du Monde, Médecins sans Frontières, la Cimade et la FIDH. La CFCPI milite activement pour un réel engagement de la France dans la promotion d’une justice pénale internationale effective. C’est pourquoi elle s’est opposée aux dispositions de la loi du 9 août 2010 portant adaptation du Statut de Rome en droit interne qui font obstacle à l’accès au juge national et à son action par les quatre verrous procéduraux, à savoir le monopole des poursuites laissé au parquet, l’exigence d’une résidence habituelle en France de la personne soupçonnée, d’une double incrimination et d’une déclinaison initiale de compétence par la CPI, au mépris du principe de subsidiarité. La coalition s’est ainsi félicitée de la proposition de loi adoptée par le Sénat le 26 février 2013 prévoyant de faire sauter trois des quatre verrous, maintenant cependant le monopole du parquet. Malheureusement le collectif est contraint de poursuivre son action suite au refus récent du gouvernement d’inscrire cette proposition de loi à l’ordre du jour. La coalition a récemment rappelé aux responsables politiques que cette loi empêche aujourd’hui la poursuite des crimes perpétrés en Syrie. Au-delà d’une participation active à ces deux importantes coordinations, le SM entretient des liens avec d’autres organisations de magistrats étrangers et leur apporte son soutien : c’est ainsi qu’il a vigoureusement dénoncé les atteintes portées à l’indépendance des magistrats égyptiens et tunisiens.


Syndicat de la magistrature


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