La lutte contre le racisme

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Contre l’extrême droite, la lutte contre le racisme est un enjeu syndical. Se mobiliser pour l’égalité des droits, avec les premier∙es concerné∙es est un combat primordial.


Enseignante en Seine-Saint-Denis, Cybèle David est syndiquée à SUD éducation. Membre du Secrétariat national de l’Union syndicale Solidaires, elle co-anime notamment la commission immigration.


Campagne antiraciste et solidarité, manifestation parisienne du 18 décembre 2021. [DR]

L’égalité des droits et la lutte contre le racisme sont au cœur du syndicalisme de transformation sociale de Solidaires

Lors de son 8éme congrès en septembre 2021, Solidaires a débattu et adopté des orientations sur les thématiques de l’antiracisme et des migrations dans une résolution intitulée « égalité et solidarité ». Cette résolution a permis de mettre en lien les différentes oppressions racistes et sexistes subies au travail et dans la société et de d’actualiser nos revendications contre le racisme, contre le sexisme, contre les discriminations liées à la religion, pour la solidarité et pour l’égalité des droits.

[extraits] L’union syndicale Solidaires a la volonté de transformer la société en profondeur et d’en finir avec les rapports de dominations qui s’y expriment, y compris dans le monde du travail. Notre outil syndical doit permettre de combattre toutes les formes de discriminations, c’est-à-dire toutes les atteintes à l’égalité des droits en particulier celles subies dans la sphère professionnelle. Nous sommes tous et toutes concerné∙es par ces discriminations, qu’elles nous touchent directement ou indirectement.
Le sexisme et le racisme sont structurants. Dans notre société capitaliste et patriarcale,ils déterminent la manière dont le marché du travail est organisé et dont les personnes concernées vont être exploitées de manière particulière.
Le racisme opprime les personnes dites racisées. La notion de racisé∙e fait référence à une construction sociale des catégories de domination qui consiste entre autres à l’attribution automatique de certaines compétences et comportements à un groupe, simplement du fait de leur origine réelle ou supposée ou encore de leur couleur de peau.
Les discriminations et les oppressions engendrent de l’exclusion et renforcent la souffrance au travail : lutter contre relève du rôle du syndicat. Notre Union doit combattre toutes les formes d’atteintes aux droits, en particulier lorsqu’elles touchent les personnes les plus vulnérables.

Si nous visons une universalité par l’égalité des droits, reconnaître les dominations est nécessaire pour voir le chemin à parcourir pour ce combat. Pour cela :

  • Nous combattons le racisme sous toutes ses formes.
  • Nous luttons contre l’antisémitisme inscrit dans l’histoire de la France et de l’Europe et toujours vif aujourd’hui.
  • Nous combattons le racisme lié à l’histoire coloniale, à l’encontre des personnes africaines, arabes, asiatiques, antillaises, guyanaises, polynésiennes, kanaks ou réunionnaises, racisme qui touche les générations successives et qui a de lourdes conséquences sociales, répressives, discriminatoires au travail, dans l’accès au logement, aux services publics. C’est pourquoi Solidaires défend le droit à l’autodétermination et le respect du peuple Kanak qui demande de reporter le référendum.
  • Nous reconnaissons que les populations ultramarines sont victimes de discriminations particulières dans les départements et régions d’Outre-mer dans l’accès aux services publics, sur les prix, les salaires (SMIC…), le développement économique. C’est d’ailleurs cette réalité qui pousse aujourd’hui les populations de Guadeloupe, de Martinique et de Guyane à se révolter.
  • Nous dénonçons et combattons toute forme de discrimination liée aux croyances religieuses, notamment lorsqu’elles sont porteuses de pratiques racistes.

Dans la manifestation du 1er mai 2022 à Paris. [DR]

Il est bien évident que ce sont les personnes les plus discriminées qui sont les plus précaires, les moins rémunérées et les moins reconnues dans leur carrière professionnelle et les plus exploitées à des positions de subordination extrêmes. Ce sont elles aussi qu’on retrouve dans la plupart des entreprises de sous-traitance, en situation de droits dégradés par rapport aux travailleurs et travailleuses des entreprises donneuses d’ordre, quand elles ne sont pas tout simplement invisibilisées.
Pour l’Union syndicale Solidaires, l’égalité des droits dans l’emploi, comme dans toute la société n’est pas négociable et nécessite l’engagement et la solidarité de toutes et tous pour atteindre cet objectif.
Il est nécessaire de travailler en lien avec les associations, les collectifs, les syndicats qui se battent contre toute forme d’oppression dans les cadres unitaires qui le permettent.

Face à l’offensive des politiques et des idées réactionnaires et xénophobes, l’Union syndicale Solidaires revendique :

  • le refus des politiques d’immigration choisie,
  • l’abrogation de toutes les lois et circulaires restreignant les conditions d’accès au travail pour les migrant∙es et des conditions de séjour des étudiant∙es étranger∙es,
  • l’arrêt immédiat des expulsions,
  • la régularisation immédiate de toutes et tous les sans-papiers avec une carte de séjour de 10 ans et le droit à la naturalisation,
  • la fermeture des centres de rétention et l’abolition de toute rétention administrative. 
  • l’abrogation des lois anti-immigrés, dont le CESEDA (Code d’entrée et du séjour des étranger∙es et du droit d’asile),
  • le respect du patronyme des personnes issues de l’immigration dans les entreprises et les administrations,
  • l’abrogation du délit de solidarité à l’encontre des structures ou individus solidaires des étrangers en situation irrégulière,
  • la protection des mineurs isolé∙es étranger∙es et des jeunes majeurs scolarisé∙es ou logé∙es,
  • le statut d’autonomie des femmes immigrées, 
  • l’accès aux droits fondamentaux : santé, logement, éducation, protection sociale…,  
  • une allocation permettant de couvrir les besoins de base, de santé et de dignité de toutes et tous.

Solidarité internationale

Égalité et solidarité se conjuguent nécessairement à l’international. C’est d’abord la revendication d’une égalité de droits pour les travailleurs et travailleuses du monde entier, égalité qui doit se faire par le haut. Pourtant, c’est l’inverse que l’on constate la plupart du temps. Les directives européennes l’illustrent bien, comme celle sur les travailleurs et travailleuses détaché∙es qui n’impose pas la rémunération totale du pays d’accueil et permet ainsi le dumping. Nous demandons l’abrogation de cette directive : à travail égal, salaire égal. On constate que ce sont rarement celles et ceux des pays où les salaires sont les plus élevés et les conditions de travail meilleures qui émigrent… C’est donc un moyen de payer moins cher, donc de façon inégalitaire, sur un même territoire, les immigré∙es.
Il existe bien des normes internationales qui ont instauré un droit international du travail, c’est la fonction de l’Organisation Internationale du Travail, mais dans la réalité ces droits sont bafoués par de très nombreux pays. La solidarité est une valeur internationale. Les capitalistes opposent toujours les travailleur-ses d’un pays et l’autre, c’est par exemple le ressort des entreprises multinationales qui menacent toujours de délocaliser la production pour faire accepter des salaires plus bas ou des conditions de travail dégradées. Dans le même temps, pour augmenter leurs profits, certaines entreprises jouent sur la fibre nationale en labellisant le « made in France ». En en faisant un critère de qualité supposée meilleure de leur marchandise alors que conditionnée dans le pays mais souvent produite à l’étranger, ils méprisent et usurpent les circuits courts et locaux.
La solidarité est également nécessaire pour soutenir celles et ceux qui sont victimes de répression de discriminations et de violations de leurs droits. Elle permet de sortir de l’isolement et de rendre publiques des pratiques inacceptables. A terme, elle doit aussi servir à construire ou coordonner des luttes internationales contre un capitalisme largement mondialisé. La solidarité est également nécessaire pour soutenir celles et ceux qui sont victimes de répression de discriminations et de violations de leurs droits. Elle permet de sortir de l’isolement et de rendre publiques des pratiques inacceptables. A terme, elle doit aussi servir à construire ou coordonner des luttes internationales contre un capitalisme largement mondialisé. L’Union syndicale Solidaires œuvre pour rendre concrète et effective la solidarité internationale. C’est l’une des fonctions du Réseau syndical international de solidarité et de luttes : construire, par secteur, des liens forts entre les travailleurs et travailleuses des différents pays ; déconstruire les discours capitalistes qui opposent les un∙es aux autres en faisant souvent appel au racisme, au nationalisme et à la xénophobie.

L’Union syndicale Solidaires revendique :

  • La liberté effective de circulation et d’installation des personnes
  • L’admission et accès à une procédure de demande d’asile sur le territoire de son choix de tout∙e candidat∙e au statut de réfugié∙e
  • La suppression de l’externalisation du contrôle des frontières, du financement du refoulement et de l’enfermement des migrant∙es, la suppression de l’Agence Européenne de Garde-Frontières et de Garde-Côtes (ex Frontex) et la libre circulation des personnes.
  • L’abrogation des traités de libre échange qui favorisent l’exploitation des pays les plus pauvres.
  • Un renforcement du droit international du travail. Il est nécessaire de travailler en lien avec les associations qui se battent contre toutes formes d’oppressions.

Solidaires, par cette importante résolution, consolide et élargit sa plateforme revendicative sur la question de l’égalité des droits et de la solidarité et s’engage à renforcer le travail de formation en interne et de se mobiliser dans des cadres unitaires, notamment avec les premiers et premières concerné·es.

Des outils collectifs

Dans l’union syndicale Solidaires, c’est la commission immigration qui coordonne le travail et les échanges sur la question de l’égalité des droits pour les migrant·es et les sans-papiers. Cet outil fonctionne avec la participation de militant·es des structures membres de Solidaires et demande à être renforcer.

Parmi ses principales activités, la commission immigration

→ participe aux cadres unitaires de solidarité sur les questions d’immigration et contre le racisme : En particulier la Marche des Solidarités avec la Campagne Antiracisme & Solidarité.  Solidaires est aussi membre des États généraux des Migrations et de collectifs plus anciens : « unis contre l’immigration jetable », « D’ailleurs nous sommes d’ici », « Des ponts pas des murs ».

→ publie des communiqués et des bulletins d’actualités (luttes locales ou nationales contre le racisme et en soutien aux exilé·es et aux sans-papiers).

→ a publié un guide « permanence pour les sans-papiers » à destination des structures qui souhaitent accompagner syndicalement les sans-papiers dans leurs démarches à la fois auprès de leurs employeurs, dans leur accès aux droits (santé, compte) et pour leur régularisation.

→ organise des sessions de formations nationales et régionales : agir syndicalement avec les sans-papiers et les exilé·es et agir syndicalement contre le racisme.

→ Sur les questions du racisme et de l’égalité des droits, Solidaires a été présente dans l’organisation de la marche du 10 novembre 2019 contre l’islamophobie, elle a participé et à la Marche pour la dignité, au collectif Rosa Parks, et participe encore à de nombreuses initiatives contre les violences policières toutes initiatives organisées par les premiers et premières concerné·es.


Une des très nombreuses manifestations des travailleurs sans-papiers de Chronopost, DPD et RSI. [DR]

Depuis le 8e congrès, un groupe de travail antiraciste spécifique a été mis en place. Il a commencé ses travaux début 2022 avec pour objectif de fournir des outils d’identification et de lutte contre les violences et les discriminations racistes sur les lieux de travail et dans nos organisations ainsi que de réactiver des sessions de formations pour mieux outiller les militant·es pour agir syndicalement contre cette oppression. Solidaires et les luttes des Sans-Papiers. Les sans-papiers subissent à la fois les pires conditions d’exploitation au travail (précarité, bas salaires, conditions de travail désastreuses, non-respect du droit du travail, mais aussi le racisme (discriminations, humiliations, violences…). Il faut ajouter à cela la difficulté d’accéder à des droits aussi fondamentaux que la santé, le logement et une vie digne. Maintenir les personnes migrantes sans autorisation de séjour ni autorisation de travail, c’est entretenir un système d’exploitation raciste et capitaliste. La responsabilité de notre syndicalisme, c’est de le dénoncer et agir pour faire respecter et faire avancer les droits fondamentaux.

En tant qu’organisation syndicale, Solidaires s’est impliquée à plusieurs reprises dans des grèves de travailleurs sans-papiers. Les objectifs à chaque fois étaient de faire pression sur les patrons pour obtenir les documents nécessaires à la régularisation des personnes, mais aussi, notamment pendant le mouvement de grèves de 2008-2010 (dans un cadre unitaire, en particulier avec la CGT), d’établir un rapport de force avec le gouvernement pour permettre une régularisation massive des sans-papiers. Depuis 2019, des grèves de postiers sans papiers ont eu lieu à Chronopost et à DPD, filiales de La Poste avec la fédération SUD PTT, Solidaires 94 et Solidaires 91. Ces grèves mettent en évidence l’utilisation de la sous-traitance par le groupe La Poste pour faire des profits en exploitant des sans-papiers dans les tâches les plus dures dans le secteur du colis. Ces différentes luttes ont permis de rendre visible la question des travailleurs sans papiers, d’obtenir la régularisation d’une partie des grévistes mais n’a pas atteint son principal objectif : changer la loi, de plus en plus restrictive.

Par ailleurs, plusieurs Solidaires départementaux sont impliqués auprès des Sans Papiers avec la mise en place des permanences syndicales spécifiques pour les Sans Papiers (Paris, Val de Marne, Montreuil), ou sont impliqués dans des cadres unitaires de lutte contre le racisme et de solidarité avec les migrant·es (à dimensions variables sur leurs territoires) pour aider à l’accueil et à l’accès aux droits des migrant·es (Hautes-Alpes, Ille-et-Vilaine par exemple). Solidaires travaille aussi depuis de nombreuses années en lien avec les Collectifs de Sans-Papiers (CSP) pour construire des mobilisations lors des journées internationales des migrant·es (18 décembre) ou de lutte contre le racisme (21 mars). Depuis plusieurs années, nous participons activement à la Marche des Solidarités qui regroupe des CSP, des collectifs de familles de victimes des violences policières et des associations, collectifs et syndicats impliqués sur ces questions.

C’est la Marche des Solidarités qui a été à l’initiative de la manifestation historique des Sans papiers à Paris du 30 mai 2020. Cette première grande mobilisation après le confinement lié à la pandémie de Covid19, a révélé la violence subie par les sans-papiers pendant cette période : travail en première ligne ou perte sèche d’emploi, absence de revenus, conditions d’hébergements difficiles, taux de mortalité importants… Cette marche, interdite par la préfecture de police, a permis aux sans-papiers de reprendre leur histoire en main et de s’organiser par la suite pour la régularisation des sans-papiers, la fermeture de Centre de rétention administrative et pour un logement digne. S’en sont suivies les manifestations du 20 juin puis la Marche nationale des sans-papiers, partie de plusieurs villes de France en septembre 2020 pour arriver à Paris le 17 octobre 2020 avec une grande manifestation.


[DR]

La Campagne antiracisme & solidarité

Dans le contexte de la campagne électorale de 2022, les attaques racistes contre les migrant·es et les musulman·es ont pris une place centrale dans les médias. La Marche des Solidarités a proposé de lancer une campagne unitaire Antiracisme & Solidarité. Des nombreuses organisations, associations, collectifs ont rejoint la campagne qui a débuté par une mobilisation massive le 18 décembre 2021 dans le cadre de la journée Internationale des migrant·es. De nombreuses initiatives locales et régionales, inscrites dans la campagne ont eu lieu pendant l’hiver. Le 19 mars 2022, une manifestation importante a été co-organisée à Paris entre la Campagne et le Réseau d’entraide vérité et justice (qui regroupe de nombreuses familles de victimes de violences policières et pénitentiaires, de mutilé·es et de blessé·es) et d’autres mobilisations ont eu lieu dans plusieurs dizaines de villes contre le racisme et les violences policières. La Campagne Antiracisme et Solidarité a aussi participé activement aux mobilisations du 16 avril 2022 contre le fascisme et contre le racisme et formé des cortèges dans plusieurs villes le 1er mai 2022.

Ce cadre unitaire, qui regroupe près de 500 organisations, collectifs, syndicats aux échelles nationale, régionales et locales, a vocation à poursuivre les mobilisations dans la durée. Ses principaux axes sont : la lutte contre toutes les formes de racisme, la liberté de circuler et de manifester, l’égalité des droits, la dignité et la solidarité, en particulier avec les migrant·es. Il s’agit d’un cadre large mais qui ne remplace pas les initiatives propres aux organisations ou aux thématiques spécifiques. Solidaires a décidé de prendre toute sa place dans cette campagne et de faire en sorte qu’elle se diffuse largement pour permettre de porter un discours offensif pour la solidarité et contre le fascisme, le colonialisme, le racisme, l’injustice et les inégalités.

Conclusion

En agissant syndicalement pour l’égalité des droits, en particulier avec les sans-papiers et les migrant-es, que ce soit sur nos lieux de travail, dans nos permanences syndicales ou dans les cadres unitaires, Solidaires concrétise au quotidien son projet de transformation sociale. Lutter contre le racisme, c’est lutter avec les collègues et les camarades qui subissent des discriminations, que ce soit au travail, au syndicat ou dans la société. Cet enjeu syndical majeur, au même titre que la lutte contre le sexisme, doit se poursuivre et s’étendre, sans transiger. Parce que lutter contre l’extrême droite et ses idées, c’est non seulement déconstruire son discours raciste et colonialiste, mais c’est aussi agir syndicalement pour l’égalité, partout, tout le temps, avec les camarades racisé-es, migrant-es ou pas, avec ou sans papiers. L’égalité des droits et la solidarité sont au cœur de notre projet de transformation sociale. Solidaires est notre outil syndical pour le construire par l’organisation et par les luttes.


Cybèle David


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