Des outils juridiques contre les discriminations

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Le champ de la lutte contre les discriminations en entreprise s’est élargit

Il a profondément muté lors de sa courte histoire. Le préambule de la Constitutions française du 27 octobre 1946 a toujours « valeur constitutionnelle ». Il affirme que « nul ne peut être lésé, dans son travail ou son emploi, en raison de ses origines, de ses opinions ou de ses croyances ». C’est néanmoins, en pratique, un champ relativement neuf ; les pouvoirs publics, et plus largement la société française n’ont commencé à reconnaitre l’existence de discriminations liées à l’origine et souvent qualifiées de « raciales »1, qu’à la fin des années 1990. Il a connu une mutation, passant de la lutte contre les discriminations au discours managérial de la diversité. Cette mutation peut aller de pair avec la mise en avant d’une égalité de chances (au départ) en évitant de poser la question de l’égalité des situations. Le fait que cette thématique entre en résonance avec des thématiques libérales patronales est une donnée qu’il faut intégrer. De ce fait, la lutte contre les discriminations est apparemment consensuelle : les organisations syndicales peuvent donc s’appuyer sur cette situation.

Il s’est produit une multiplication des motifs prohibés de discrimination, dont la formulation n’est pas identique selon le système national, européen ou international. Le cadre de la lutte contre les discriminations s’est internationalisé suivant deux modes :

Internationalisation juridique : la responsabilité internationale des multinationales françaises sur ce qui se passe dans leurs filiales et chez leurs sous-traitants est juridiquement incorporée à la loi du 27 mars 2017 « relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre ». Elles doivent élaborer un plan qui « comporte les mesures de vigilance raisonnable propres à identifier les risques et à prévenir les atteintes graves envers les droits humains et les libertés fondamentales, la santé et la sécurité des personnes ainsi que l’environnement, résultant des activités de la société et de celles des sociétés qu’elle contrôle […], directement ou indirectement, ainsi que des activités des sous-traitants ou fournisseurs [..]. »

Internationalisation conventionnelle : celle-ci passe notamment par les accords-cadres internationaux (depuis 1988), parfois des accords mondiaux d’entreprise. Ainsi l’accord-cadre sur le Qatar2, « concerne les droits de l’homme sur le lieu de travail, le logement, l’équité des conditions de recrutement et les droits des travailleurs. Il s’applique à tous les travailleurs de QDVC au Qatar et prévoit une procédure de due diligence pour les sous-traitants. »

Une clarification importante s’impose : les discriminations peuvent être directes ou indirectes : directes, c’est-à-dire en vertu d’un motif interdit ; indirectes, c’est-à-dire qu’une disposition, un critère ou une pratique en apparence neutre est susceptible d’entraîner un désavantage particulier pour un groupe en raison d’un critère prohibé par rapport à d’autres personnes. Cette dernière existe même en l’absence de toute intention discriminatoire. Le harcèlement est une forme de discrimination, le texte de la directive est limpide : « Le harcèlement est considéré comme une forme de discrimination au sens du paragraphe 1 lorsqu’un comportement indésirable lié à l’un des motifs visés à l’article 1er se manifeste, qui a pour objet ou pour effet de porter atteinte à la dignité d’une personne et de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant. » Ces notions juridiques simples ne sont pas vraiment acquises par les protagonistes des polémiques publiques en France.

En matière de discrimination le droit français est enchâssé dans un système juridique international. Les textes français sont parfois des adaptations ou transpositions de textes européens. Les jurisprudences françaises « acclimatent » notamment les jurisprudences de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE). Le système juridique français a développé, en propre et précocement, certains acquis ; il en est ainsi de la loi de séparation des Eglises et de l’Etat de 1905 : l’interdiction de la discrimination religieuse en matière d’emploi, (sans le mot discrimination) y figure.

Article 313 : « Sont punis de la peine d’amende prévue pour les contraventions de la 5ème classe et d’un emprisonnement de six jours à deux mois ou de l’une de ces deux peines seulement ceux qui, soit par voies de fait, violences ou menaces contre un individu, soit en lui faisant craindre de perdre son emploi ou d’exposer à un dommage sa personne, sa famille ou sa fortune, l’auront déterminé à exercer ou à s’abstenir d’exercer un culte, à faire partie ou à cesser de faire partie d’une association cultuelle, à contribuer ou à s’abstenir de contribuer aux frais d’un culte. »La discrimination religieuse en matière d’emploi est strictement interdite par la loi instaurant la laïcité, le texte valable en 2018 est (sauf le montant de l’amende), exactement similaire au texte voté en 1905. Les peines de prison ne sont plus prononcées en cas de simple contravention, l’amende de 1500€ maxi n’est plus très dissuasive.La lutte contre les discriminations religieuses en entreprise est une lutte pour faire respecter le principe de laïcité ainsi que la lettre de la loi de 1905.

L’intrication/multiplication des motifs prohibés de discrimination

La multiplication des critères de discrimination les rend moins lisibles, la majorité d’entre eux découle de textes internationaux, une partie est spécifique à la législation française. Leur nombre lui-même n’est pas évident à déterminer ; par exemple, on pourrait y adjoindre la protection des salarié.es qui font grève ou qui dénoncent des situations de discrimination, de harcèlement ou d’autres cas que le Défenseur des droits qualifie de « situations spécifiques assimilées à des discriminations par le législateur ». Leur regroupement est toujours contestable car les motifs se recouvrent. Le tableau ci-dessous en repère vingt-cinq, signale les thématiques qui peuvent se rattacher à des négociations syndicales ou de branches ou info-consultations des Instances représentatives du personnel (IRP), mentionnent si ces motifs de discrimination figurent dans des textes internationaux ou bien sont spécifiques à la législation française (la source sur ce point est le Défenseur des droits). Il est également indiqué, le cas échéant, quel type de documentation permet de quantifier les situations de populations à risques et de trouver des indices objectifs de discrimination.

Un exemple de discriminations intersectionnelles : race /religion

Les discriminations simultanées, multiples, combinées ou intersectionnelles peuvent être directes ou indirectes. Aujourd’hui, au regard de la lutte contre les discriminations, le motif « racial », « ethnique », « nation », « patronyme », « capacité à s’exprimer dans une autre langue que le français » (créoles), forment un bloc, fusionnant dans le motif « origine ». De fait l’expression « d’origine musulmane » a fait florès et est capable d’aspirer aussi le motif religieux (islamophobie). Par ailleurs l’islamophobie est bien, souvent, en partie aussi du racisme, issu de l’euphémisation des critères du racisme. Se développe alors un discours dangereux, qui oppose les discriminations : d’un côté celles reposant sur des critères auxquels les intéressé.es ne peuvent rien (par exemple, la couleur de peau) qui seraient particulièrement inacceptables ; de l’autre, celles fondées sur des motifs auxquels les victimes peuvent quelque chose (religion par exemple). Or, la discrimination fondée sur des croyances, des convictions, une action politique et/ou religieuse est tout aussi inacceptable et dénoncée par les lois européennes et les conventions internationales. De ce fait, dans le combat social et juridique contre les discriminations visant des populations (donc, de fait, aussi un racisme), le motif religieux est un terrain juridiquement solide. On a aussi le droit d’être moralement conservateur et politiquement réac : vous êtes musulman ? Soyez « musulman modéré » ! Vous êtes syndiqué à Solidaires ? Adhérez plutôt à la CFDT ! Vous êtes de gauche ? Quittez la gauche radicale pour les radicaux de gauche !

La thématique de la laïcité, de la lutte antireligieuse a déjà été utilisée en France contre les femmes, contre l’exercice de leurs droits politiques, contre le droit de vote des femmes (catholiques) « soumises à leur curé ». Elle sert à nouveau aujourd’hui contre le droit à l’emploi, à l’activité et à l’accès aux responsabilités associatives, culturelles, sociales et politiques d’une partie des femmes musulmanes avec des arguments parfaitement identique, sous prétexte de leur supposée soumission aux hommes de leur religion, leur supposé conservatisme moral ou politique. Ces prétextes sont aussi progressistes que le refus d’adhésion qui fut opposé, par certains syndicats américains, aux travailleurs noirs au prétexte qu’ils auraient été des briseurs de grève.

La jurisprudence de la CJUE, un jeu a plusieurs acteurs entre Paris et Bruxelles

Acte I, été 2016 : la notion de liberté religieuse est supprimée de la Loi Travail, sans vote. La commission des Affaires sociales de l’Assemblée nationale a supprimé mardi 28 juin 2016 de l’article premier de « la loi sur la réforme du code du travail » la liste des « principes essentiels du droit du travail », dont un relatif à la liberté religieuse dans l’entreprise, tels que les avait définis Robert Badinter dans son rapport et qu’avait repris le projet de loi présenté par la ministre du Travail Myriam El Khomri. Le principe supprimé prévoyait que « la liberté du salarié de manifester ses convictions, y compris religieuses » ne pouvait être restreinte que « par l’exercice d’autres libertés et droits fondamentaux ou par les nécessités du bon fonctionnement de l’entreprise et si elles sont proportionnées au but recherché ». Plusieurs dirigeants politiques, de Jean-François Copé (LR) à Marine Le Pen, présidente du Front national, en passant par le radical de gauche Roger-Gérard Schwartzenberg estimaient que ce principe sur les libertés religieuses allait ouvrir la porte du communautarisme dans les entreprises. Le premier ministre de l’époque, Manuel Valls, interrogé sur ce sujet, avait déclaré que ces principes « pouvaient poser des problèmes en termes d’application de la jurisprudence ». Les sénateurs ont proposé d’inscrire le principe de neutralité dans le règlement intérieur, avec l’avis favorable du gouvernement. D’où l’insertion d’un nouvel article4 : « Le règlement intérieur peut contenir des dispositions inscrivant le principe de neutralité et restreignant la manifestation des convictions des salariés si ces restrictions sont justifiées par l’exercice d’autres libertés et droits fondamentaux ou par les nécessités du bon fonctionnement de l’entreprise et si elles sont proportionnées au but recherché. »

Acte II : les questions à la CJUE (mars 2017), concernant l’interprétation de la directive 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000, portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail5.

Question préjudicielle : L’article 2, […] doit-il être interprété en ce sens que l’interdiction de porter un foulard en tant que musulmane sur le lieu de travail ne constitue pas une discrimination directe lorsque la règle en vigueur chez l’employeur interdit à tous les travailleurs de porter sur le lieu de travail des signes extérieurs de convictions politiques, philosophiques ou religieuses ?

Question préjudicielle : Les dispositions […] doivent-elles être interprétées en ce sens que constitue une exigence professionnelle essentielle et déterminante, en raison de la nature d’une activité professionnelle ou des conditions de son exercice, le souhait d’un client d’une société de conseils informatiques de ne plus voir les prestations de service informatiques de cette société assurées par une salariée, ingénieur d’études, portant un foulard islamique ?

Acte III, scène I, la CJUE affirme, concernant la première question :

« L’article 2 […] doit être interprété en ce sens que l’interdiction de porter un foulard islamique, qui découle d’une règle interne d’une entreprise privée interdisant le port visible de tout signe politique, philosophique ou religieux sur le lieu de travail, ne constitue pas une discrimination directe fondée sur la religion ou sur les convictions au sens de cette directive. »

« En revanche, une telle règle interne d’une entreprise privée est susceptible de constituer une discrimination indirecte au sens […] de la directive 2000/78 s’il est établi que l’obligation en apparence neutre qu’elle prévoit entraîne, en fait, un désavantage particulier pour les personnes adhérant à une religion ou à des convictions données, à moins qu’elle ne soit objectivement justifiée par un objectif légitime, tel que la poursuite par l’employeur, dans ses relations avec ses clients, d’une politique de neutralité politique, philosophique ainsi que religieuse, et que les moyens de réaliser cet objectif ne soient appropriés et nécessaires, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier. »

Acte III, scène II, deuxième réponse de la CJUE :

« L’article […] de la directive du 27 novembre 2000, […] doit être interprété en ce sens que la volonté d’un employeur de tenir compte des souhaits d’un client de ne plus voir les services dudit employeur assurés par une travailleuse portant un foulard islamique ne saurait être considérée comme une exigence professionnelle essentielle et déterminante au sens de cette disposition. »

Acte IV : le 22 novembre 2017, la Cour de cassation « acclimate » dans la jurisprudence française les décisions de la CJUE.

La Cour de Cassation précise que le licenciement d’une femme portant foulard ne serait légitime qu’à plusieurs conditions cumulatives :

  • Existence d’une clause expresse du règlement intérieur : « … dans le règlement intérieur de l’entreprise ou dans une note de service soumise aux mêmes dispositions que le règlement intérieur ».
  • Ne peut concerner que des salariées en contact avec la clientèle : « … clause de neutralité interdisant le port visible de tout signe politique, philosophique ou religieux sur le lieu de travail, dès lors que cette clause générale et indifférenciée n’est appliquée qu’aux salariés se trouvant en contact avec les clients ».
  • Doit être strictement proportionnée : « justifiée par la nature de la tâche à effectuer et proportionnée au but recherché ».

Et si les trois premières conditions sont réunies, il faut, de surcroit, qu’aucun autre poste de remplacement n’existe dans l’entreprise : « il appartient à l’employeur de rechercher si, tout en tenant compte des contraintes inhérentes à l’entreprise et sans que celle-ci ait à subir une charge supplémentaire, il lui est possible de proposer à la salariée un poste de travail n’impliquant pas de contact visuel avec ces clients, plutôt que de procéder à son licenciement ».


La Cour de cassation définit ce qui est rédhibitoire.

  • La discrimination indirecte : « une telle règle interne d’une entreprise privée est susceptible de constituer une discrimination indirecte […] s’il est établi que l’obligation en apparence neutre qu’elle prévoit entraîne, en fait, un désavantage particulier pour les personnes adhérant à une religion ou à des convictions données ».
  • Les exigences de clients : « la volonté d’un employeur de tenir compte des souhaits d’un client de ne plus voir les services dudit employeur assurés par une salariée portant un foulard islamique ne saurait être considérée comme une exigence professionnelle essentielle et déterminante ».
  • L’irrégularité (même de forme ou de la procédure d’adoption) du règlement intérieur : « Dès lors qu’il s’agit d’une mesure relevant de la discipline dans l’entreprise et qui apporte une restriction aux droits fondamentaux, les dispositions précitées exigent que soient respectées les garanties qui résultent de la communication du règlement intérieur à l’inspecteur du travail et au contrôle de celui-ci sur les clauses le cas échéant illicites, sous l’autorité, en cas de recours pour excès de pouvoir, des juridictions administratives et, en dernier lieu, du Conseil d’Etat, ainsi que de la consultation obligatoire du comité d’entreprise et dans certains cas du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail. », « faute de quoi les clauses du règlement intérieur sont inopposables au salarié », précise la Cour dans sa « Note explicative ».

La Cour de cassation apparente « accommodements raisonnables » et « principe de proportionnalité » :

Dans sa « Note explicative », la Cour de cassation souligne que l’entreprise a obligation « de lui proposer un poste de travail n’impliquant pas de contact visuel avec les clients ». « Cette dernière obligation, qui s’apparente à une obligation de recherche de reclassement ou d’accommodements raisonnables, notion plus familière aux pays de Common Law, n’est qu’une application du principe de proportionnalité, s’agissant de déroger à une liberté fondamentale consacrée par l’article 9 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et par l’article 10 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. »

Affiche de la CFDT (Confederation française democratique du travail ) 1973 :travailleurs francais immigres, tous solidaires : tous les travailleurs (francais, africains, asiatiques) doivent etre solidaires et travailler main dans la main — Trade union poster, 1973 to encourge all workers (french, african, asiatic) to work together

La jurisprudence de Cour de cassation6 ne met pas en cause la confusion française de neutralité des actions de l’agent public avec la manière qu’il ou elle a de se vêtir. Elle accompagne de fait la tendance à l’extension de la notion de « collaborateur (occasionnel) du Service Public ». Elle ne semble pas percevoir qu’elle contribue ainsi à étendre le champ d’une discrimination organisée par l’Etat. Néanmoins, pour ce qui concerne le secteur privé, elle pose certains garde-fous, qui, pour trouver leur pleine efficacité, nécessitent la vigilance des Institutions représentatives du personnel. Les tentatives ultérieures de prohibition du voile dans l’espace public, les universités, les entreprises se heurteraient à une jurisprudence appuyée sur des décisions européennes et fondées sur des principes juridiques forts et des libertés fondamentales.

Acte V : à nous de jouer ! Le droit européen analyse clairement les discriminations indirectes qui se combattent mieux par l’action collective. Le droit européen, les références internationales, ont souligné les deux modalités des discriminations : directes et indirectes. Or en entreprise, les discriminations indirectes, détectables et en tout cas démontrables statistiquement, peuvent mieux être combattues par des acteurs collectifs (les syndicats) que par les salarié.es individuellement. Les jurisprudences de la CJUE donnent un rôle essentiel aux Instances représentatives du personnel, face aux discriminations religieuses en entreprise qui ne peuvent exister que si elles figurent dans un règlement intérieur, lequel doit être soumis au Comité social et économique. Il est donc vital que les élu.es transmettent systématiquement à la DIRECCTE7 une interrogation sur les contenus de toutes les clauses « neutralité » ou « laïcité » de règlements intérieurs et contactent sur ce point leur fédération ou Union interprofessionnelle. Le droit est clair : aucun des règlements intérieurs liberticides, d’entreprise ou d’université qui sont aujourd’hui en vigueur8 n’aurait pu passer. Les class action, d’origine américaine, peuvent contribuer à l’action de classe, car elles sont bien adaptées à la mise en œuvre d’une action collective portant sur des discriminations mises statistiquement en évidence.

Pratique et contenu des accords-cadres internationaux

Les accords-cadres internationaux peuvent aborder le sujet des discriminations. C’est un accord cadre international (comprenant « la liberté des pratiques culturelles ») qui a défini un minimum de protection pour les travailleurs étrangers au Qatar, sur les chantiers de la Coupe du monde de football. Le devoir de vigilance, introduit par la loi de 2017, étend la responsabilité des multinationales française à leurs fournisseurs et à leurs sous-traitants (même en cas de sous-traitance en cascade). Dans les deux cas, ces négociations échappent en bonne partie aux organisations syndicales de l’entreprise en question ; les directions négocient avec les fédérations syndicales internationales, et avec des Organisations non gouvernementales. Ces instruments étendent géographiquement le champ des responsabilités des directions, mais aussi des organisations syndicales.

Les multinationales exploitent les salarié.es et font travailler leurs managers sans se soucier prioritairement de la couleur, des langues, de la culture. La soumission aux normes du travail pour les salarié.es, la maîtrise du langage et de la pratique du management pour les cadres et dirigeants sont essentielles, et n’ont ni patrie, ni couleur de peau. Ainsi, les discriminations utilisant la thématique de la « laïcité » sont vues dans nombre de firmes multinationales (y compris de nationalité française) comme des bizarreries hexagonales plus ou moins nuisibles au retour sur investissement. Les enquêtes internes, menées par des cabinets internationaux (comme Great Place to Work) posent les questions de « l’équité » interne, homme/femme, religieuse ou « ethnique ». Ces instruments peuvent ainsi refléter ou quantifier des situations de ressentis discriminatoires. Il ne faut pas sous-estimer la sensibilité d’entreprises (même géantes) à la dénonciation argumentée et juridiquement solides de situation de discrimination (qui peuvent être documentées seulement localement), car les dommages en termes d’image peuvent être importants.

Pour aller plus loin, comprendre et agir

Michel Miné, Droit des discriminations dans l’emploi et le travail, 2016, Éditions Larcier, Bruxelles.

« La » référence sur l’état du droit applicable en France, préfacé par le président de la chambre sociale de la Cour de cassation et postface par le défenseur des droits. Michel Miné est prof au CNAM (Arts et Métiers) et ancien inspecteur du travail.

Handbook on European non-discrimination law, Publications Office of the European Union, Luxembourg, 2018.

La référence sur l’état du droit européen. Disponible pour l’instant seulement en anglais, une exposition très claire (très pédago eu égard à la technicité du sujet) et à jour du droit européen éclairé par les jurisprudences essentielles.

Le coût économique des discriminations, France Stratégie, Bruxelles, 2015.

A peine l’encre de ce rapport était-elle sèche que son maitre d’œuvre, Jean Pisani-Ferry, directeur de France Stratégie (ancien Commissariat général au plan), est devenu responsable de la stratégie présidentielle au sein de l’équipe d’Emmanuel Macron. Il est donc tentant d’y voir le fondement de la doctrine macronienne sur les discriminations : celles-ci en privant les entreprises d’un vivier de recrutement qualifié font monter le coût du travail.

Réjane Senac-Slawinski, L’invention de la diversité, Editions PUF, coll. « Le lien social », 2012.

Un travail très rigoureux, démontrant notamment que les discriminations sont à combattre car elles sont injustes, et pas car elles limitent le profit (ce que sous-entend la doctrine libéral/macronienne).

Milena Doytcheva, Politiques de la diversité. Sociologie des discriminations et des politiques antidiscriminatoires au travail, Editions P.I.E Peter Lang, 2015.

Permet de décoder les discours de la « diversité » qui est une prise en charge/affaiblissement des luttes contre les discriminations

« Diversité et lutte contre les discriminations au travail. Catégorisations et usages du droit », Les cahiers de la LCD9 n°6, L’Harmattan, 2018.

Des contributions sur les pratiques juridiques en entreprise, sur les conséquences de la multiplication des critères de discrimination.


1 Didier Fassin, « L’invention française de la discrimination », Revue française de Sciences politiques, 2002/4 (Vol 52).

2 Accord cadre entre QDVC-Vinci-IBB, signé lé 27 novembre 2017.

3 Loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Eglises et de l’Etat. 

4 Art. L. 1321-2-1.

5 Les décisions de la Cour de justice de l’Union européenne du 14 mars 2017 : CJUE, 14.03.17, C-157/15, Aff G4S Secure Solutions NV (Belgique) et C-188/15, Aff. Micropole SA (France). Les décisions (arrêts), conclusions et demandes sont accessibles sur le site de la CJUE par le numéro d’affaire : C-157/15 et C-188/15 : www.curia.europa.eu

6 L’arrêt du 22 novembre 2017 et la note explicative sont disponibles sur le site de la Cour de cassation : www.courdecassation.fr

7 Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi.

8 A l’exemple de ceux de PAPREC ou de l’Université Paris Est Créteil Val-de-Marne.

9 Lutte contre les discriminations.


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