Des journées en intersyndicales Femmes

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Les nouvelles générations des organisatrices, depuis le départ des « historiques », ont fait leur, la nécessité de lier les inégalités au travail aux inégalités de genre dans toutes les sphères sociales. Nous avons été aidées par des recherches universitaires sur le genre, de plus en plus développées, et une transversalité dans différents champs de connaissances, comme un arsenal législatif plus consistant : autant d’éléments qui nous ont permis d’aborder des thèmes toujours variés. De même, les relations que nos organisations ont développé au niveau international, ont permis d’inviter nombre de camarades pour échanger sur leurs luttes et expériences, au-delà de nos frontières.

LE FÉMINISME EST (AUSSI) UN OUTIL SYNDICAL

En 2017, lors de la sortie du livre pour les 20 ans de ces journées [1], la liste des thèmes abordés couvrait un large champ possible d’intervention féministe. Et c’est toujours le cas. Le travail, en premier lieu, sous des angles différents pour les syndicalistes que nous sommes : son histoire, ses évolutions législatives en termes d’égalité professionnelle et salariale, sa précarisation, le temps partiel, les conditions d’emploi et de santé, la classification professionnelle, les enjeux et spécificités de certains métiers, parfois en lien avec les migrations internationales (domesticité et service à la personne, aides à domicile, par exemple), le sexisme au travail, la représentation syndicale, les luttes… Il s’agit là, à bien y regarder, d’un cadre presque complet de l’intervention syndicale ; et dont les spécificités genrées, viennent souligner les manques d’une prise en charge collective par le syndicalisme en général. Beaucoup d’entre nous, ont pourtant la conviction qu’en agissant sur ces inégalités, prises comme un miroir grossissant de l’évolution de la condition salariale, le syndicalisme ne fait que « son travail ». Les victoires possibles sur ce terrain peuvent alors, largement, contribuer à changer la donne : en supprimant les inégalités salariales femmes/hommes, par exemple, on touche du doigt la revalorisation de la part travail dans le rapport au capital (au-delà de permettre au syndicalisme d’obtenir un niveau d’augmentations de salaire, qu’il n’a pas obtenu depuis des décennies par des luttes…). On revalorise par là-même des métiers occupés majoritairement par les femmes, comme on offre aux entrant·es sur ces métiers, des salaires autrement plus attractifs. Pour tous les sujets abordés, l’action syndicale engagée permettrait des améliorations concrètes, participant à lutter contre l’exploitation de toutes et tous.

Autrement dit, genrer « le travail » permet aussi d’élargir l’action syndicale, dans des domaines où elle n’est, pour l’instant, pas suffisamment mise en œuvre pour être efficace. Mais cela fait aussi apparaitre un constat fondamental : si le capitalisme se sert des inégalités sociales et en crée certaines, les rapports de sexe comme de race existent aussi en dehors de lui, même s’il s’en nourrit. Le combattre est le fondement de l’engagement syndical militant, mais ne suffit pas à répondre aux autres formes de domination. Croire qu’en renversant le capitalisme, on supprimerait les inégalités de genre, de race, de sexualité… revient à nier les spécificités de ces dominations.

ÉLARGIR POUR TRANSFORMER EN PROFONDEUR LA SOCIÉTÉ

Si la question du travail est récurrente dans ces journées, d’autres thématiques viennent élargir nos horizons de syndicalistes. Certaines, ont des liens étroits avec le travail (comme les retraites ou les politiques d’austérité) et sont souvent au cœur des mobilisations interprofessionnelles des organisations syndicales, dites de transformation sociale, qui préparent et animent ces deux journées. En traitant de ces sujets, nous mettons un focus sur la place des travailleuses dans ces mobilisations et sur l’analyse des effets de ces « réformes » qui, étant donné la position des femmes dans le monde du travail, viennent souvent accentuer les inégalités qu’elles subissent déjà. C’est aussi, disons-le, un moyen d’élargir le rapport de forces à la « classe des femmes travailleuses ». D’autres thèmes, en revanche, semblent plus éloignés : l’organisation et l’usage genré de l’espace public, les sexualités, les guerres, la fabrique sociale des différences dites « naturelles » entre les sexes, l’éducation, les femmes dans les révolutions modernes (comme lors des printemps arabes), les migrations et les politiques d’asile, le langage égalitaire, le système prostitutionnel, le sport, la bioéthique ou encore, l’histoire des mouvements féministes. Tous ces thèmes participent à forger des connaissances larges sur les rapports de domination, à permettre de questionner le système social dans lequel nous agissons, à mieux le comprendre et, en cela, à faire des liens pour le penser autrement. C’est une pierre, essentielle, que l’approche féministe apporte dans la construction d’une société égalitaire. Mais cela ne signifie pas pour autant qu’ils n’ont aucun rapport avec le travail. Les migrations en ont. Les différences considérées comme « naturelles » (que ce soit clair : elles ne le sont pas) expliquent l’orientation scolaire vers certains métiers, pour les femmes et pour les hommes. Le langage égalitaire fait (encore !) débat quand il s’agit d’écrire des tracts avec une écriture inclusive. Le sport connaît, lui aussi, quand il est professionnel, des inégalités salariales…

A chaque session, et après les deux journées découpées en quatre tables rondes, les organisatrices sont épuisées certes, mais en ressortent toujours « boostées » ; comme les stagiaires, comme les intervenantes. Un an de travail, où chacune de nos organisations conçoit des tables rondes (en lien avec leurs commissions femmes), cherche et contacte les intervenantes possibles (oui, on assume de privilégier des femmes comme intervenantes), travaille à récupérer les textes des interventions de l’année précédente pour en faire « des actes », prépare l’organisation matérielle de ces journées, en appelle à l’auto-organisation pour en faire un moment de rencontre convivial à plus de 400 personnes, majoritairement des femmes (quelques hommes y viennent, et surtout reviennent eux aussi). Les dernières éditions ont vu les participations augmenter et la grande salle de la bourse du travail de Saint-Denis (93) devenir de plus en plus petite. A chaque fois, des camarades de nos commissions, dont les organisatrices de ces journées, de nos structures locales ou de nos centres de formations accueillent, installent les tables, préparent le déjeuner, servent l’apéro du premier soir ou le petit-déjeuner du matin, rangent… Plus de vingt ans après la première édition, il s’agit aussi, quelles que soient les générations concernées, de profiter de tous ces « petits » moments informels qui, au-delà de nos étiquettes syndicales, nous rappellent que nous sommes des camarades de luttes. C’est sans doute tous ces facteurs réunis qui en font un temps particulier : un temps des femmes, syndicalistes et féministes à la fois.


PAS DE JOURNÉES EN MARS 2020

Les organisatrices des journées intersyndicales Femmes (CGT, FSU et Solidaires) ont dû malheureusement, au vu de la situation sanitaire grave et inédite, annuler les deux jours de formation et débats prévus les 19 et 20 mars. […] Aujourd’hui plus que jamais, nos combats doivent articuler la mise en lumière des inégalités femmes/hommes et la construction des luttes pour les éradiquer. La crise sanitaire que nous traversons révèle une fois de plus l’importance d’un service public fort que ce gouvernement démantèle pourtant avec hargne. La fonction publique c’est 62% de femmes : et ce sont elles qui seront les plus mobilisées pour organiser la continuité de l’Etat. Car ce sont les métiers les plus féminisés qui sont au front : les infirmières et aides-soignantes, les personnels soignantes, les femmes dans les Ephad, les professeures des écoles qui accueillent les enfants des soignantes. Les employées de la grande distribution ou du commerce, les femmes de ménage, les ouvrières et ouvriers sont aussi sollicité·es car leurs activités rendent souvent impossible le télétravail. Une fois encore, c’est la société dans son ensemble qui a besoin des plus méprisé·es du capitalisme – dont les femmes constituent le gros des troupes. Nous voulons aussi affirmer notre soutien à celles qui, parce que confinées avec un compagnon violent, risquent leur vie. Ce soutien passe par la vigilance, en tant que voisin-es, mais aussi par tous les moyens de communication afin de secourir, prévenir et alerter pour que les victimes ne soient pas isolées.

Les organisatrices des journées intersyndicales Femmes (CGT, FSU et Solidaires) ont dû malheureusement, au vu de la situation sanitaire grave et inédite, annuler les deux jours de formation et débats prévus les 19 et 20 mars. […] Aujourd’hui plus que jamais, nos combats doivent articuler la mise en lumière des inégalités femmes/hommes et la construction des luttes pour les éradiquer. La crise sanitaire que nous traversons révèle une fois de plus l’importance d’un service public fort que ce gouvernement démantèle pourtant avec hargne. La fonction publique c’est 62% de femmes : et ce sont elles qui seront les plus mobilisées pour organiser la continuité de l’État. Car ce sont les métiers les plus féminisés qui sont au front : les infirmières et aides-soignantes, les personnels soignantes, les femmes dans les Ephad, les professeures des écoles qui accueillent les enfants des soignantes. Les employées de la grande distribution ou du commerce, les femmes de ménage, les ouvrières et ouvriers sont aussi sollicité·es car leurs activités rendent souvent impossible le télétravail. Une fois encore, c’est la société dans son ensemble qui a besoin des plus méprisé·es du capitalisme – dont les femmes constituent le gros des troupes. Nous voulons aussi affirmer notre soutien à celles qui, parce que confinées avec un compagnon violent, risquent leur vie. Ce soutien passe par la vigilance, en tant que voisin-es, mais aussi par tous les moyens de communication afin de secourir, prévenir et alerter pour que les victimes ne soient pas isolées.


[1] Toutes à y gagner, vingt ans de féminisme intersyndical, collectif, Editions Syllepse, 2017.

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Cécile Gondard Lalanne

Postière, co-déléguée générale de l'Union syndicale Solidaires et co-animatrice de la commission femmes et des journées intersyndicales femmes.