Femmes au travail – L’invisible qui fait mal
Lutter contre les inégalités entre les femmes et les hommes, dans la société comme au travail, est un axe revendicatif fort de l’Union syndicale Solidaires. Les inégalités de salaires et de déroulement de carrière sont aujourd’hui les mieux identifiées et les plus documentées dans les entreprises et les administrations, ce qui permet aux équipes syndicales d’agir auprès des directions. Cependant, sur le terrain des conditions de travail, les inégalités entre les femmes et les hommes restent encore trop peu investies par les syndicalistes. A l’origine de cette situation, il y a une représentation implicite de la division sexuelle du travail, avec une approche des conditions de travail et des expositions professionnelles sous un seul angle, celui du travail masculin. De ce fait, nous avons non seulement rendu invisibles les facteurs de risques encourus par les femmes au travail mais nous les avons même occultés.
Depuis 2014, Solidaires a entamé un travail commun entre deux de ses commissions (« santé et conditions de travail » et «femmes»), pour intégrer la dimension genre dans ses débats et échanges sur les conditions de travail. Nous avons également introduit, dans nos formations respectives, la dimension inégalités dans le travail entre les femmes et les hommes et nous insistons sur la nécessité d’analyser les effets différenciés de l’activité sur la santé, selon que l’on est une femme ou un homme. Enfin, nous ne saurions parler des inégalités au travail sans évoquer les violences sexistes et sexuelles que subissent les femmes dans leur travail. Dans ce cadre, l’objectif de Solidaires est d’intégrer la santé au travail, les conditions de travail dans les politiques de l’égalité entre les femmes et les hommes.
Travail féminin : une invisible pénibilité
Les stéréotypes sur le travail « naturellement féminin ou naturellement masculin » permettent de banaliser les risques qui y sont liés et de minimiser la charge – physique ou mentale – réelle de travail des un.es et des autres. Un sentiment largement partagé conduit à penser que les femmes, dans leur travail, sont moins exposées aux risques physiques, aux risques chimiques et donc moins concernées par les risques professionnels. Nous avons également la perception que les risques immédiats sur la santé et la sécurité sont plus importants chez les hommes que chez les femmes, qui seraient moins exposées à la pénibilité physique par exemple. La pénibilité reste très fortement attachée aux métiers masculins qui, selon les représentations, requièrent plus de force physique alors que si on les observe de près, on prend vite conscience que des métiers occupés très majoritairement par des femmes, comme ceux du nettoyage ou des services à la personne, sont tout aussi pénibles car très physiques. Si la pénibilité est différente, elle est cependant bien réelle. Le port de charges lourdes va concerner le plus souvent des objets inanimés pour les hommes et des personnes pour les femmes. Or, la nature de l’effort et la nature du risque ne sont pas les mêmes dans les deux cas et il en est rarement tenu compte. Sur le même registre, le port de charges lourdes n’est pas reconnu aux caissières ou aux employées de cantines, qui pourtant soulèvent et portent de manière répétitive des marchandises (et aussi des tables, des chaises, de la vaisselle…) dont le poids, additionné sur une journée, peut dépasser le seuil d’exposition des manutentions manuelles de 15 kilogrammes en poids cumulé et de façon répétitive. Dans le secteur du commerce, alors que la station debout prolongée peut entrainer des troubles circulatoires, où la répétition de gestes peut provoquer des troubles musculo-squelettiques, ces conséquences vont paraitre aux employeurs, aux syndicalistes et aux salarié.es bien moins dangereuses que le risque de tomber d’un échafaudage.
Il en va de même dans les métiers du nettoyage où la surreprésentation des femmes travaillant à temps partiel est une réalité. Celle-ci peut s’expliquer par la nature même de l’activité, associée aux tâches domestiques, par ailleurs considérées comme légères et nécessitant peu de qualification. On retrouve dans ce secteur une exposition sexuée aux risques : contraintes posturales très fortes pour les femmes assignées aux tâches les plus ingrates, les plus pénibles, les hommes quant à eux occupant la plupart du temps des postes d’encadrement ou des postes techniques. On peut également ajouter que, dans ce secteur, l’exposition des femmes à des produits dangereux est bien souvent occultée, car ne faisant pas l’objet de recherches approfondies. Le recours aux stéréotypes permet de nier les qualifications réelles des personnes – et donc de justifier les inégalités salariales – et les risques pour la santé, pour des tâches considérées comme le prolongement du travail domestique. Mais c’est perdre de vue que ces conditions de travail difficiles auront, à plus ou moins long terme, des répercussions sur l’état de santé des femmes, pouvant déboucher sur des inaptitudes partielles voire totales à leur emploi ou à tout emploi.
Les liens entre santé au travail et genre sont encore mal connus. Les études et recherches analysant l’impact des conditions de travail sur la santé des travailleurs comme les cancers professionnels portent de façon quasi exclusive sur le travail masculin. C’est d’ailleurs ce qui a conduit à produire des normes ou des équipements de travail tenant compte uniquement du travail des hommes et qui se sont révélés totalement inadaptées aux femmes lorsque les métiers se sont féminisés comme les sacoches des facteurs, les gilets pare-balle des policiers ou des douaniers. Même le code du travail, malgré de récentes réécritures, ignore toujours les femmes au travail puisque l’article L4121-2 continue d’affirmer qu’il faut « adapter le travail à l’homme ». Dans le n°17 (1er semestre 2018) de la revue Hesamag1, Laurent Vogel2 analyse les raisons du blocage de l’accord-cadre européen sur la santé et la sécurité dans la coiffure, secteur composée à 80 % de femmes. En premier lieu, il cite le poids des stéréotypes sexistes suivant lesquels « les professions féminines seraient moins exposées aux risques professionnels, surtout quand elles s’inscrivent dans la continuité d’activités domestiques non rémunérées. Travailler comme coiffeuse a souvent été considérée comme un simple emploi d’appoint, léger et agréable ».Dans un rapport publié en 2010 sur « La santé des femmes en France », le Conseil économique, social et environnemental (CESE) souligne cette réalité : « Les conséquences à long terme sur l’état de santé, de conditions de travail défavorables demeurent malheureusement peu évaluées, que ce soit en matière de troubles musculo-squelettiques ou d’exposition à des substances nocives y compris à potentialité cancérigène, mutagène ou reprotoxique ». De ce fait, nous nous trouvons aujourd’hui en présence d’une forme de non reconnaissance sociale et d’invisibilité des risques professionnels associés aux métiers et tâches féminines.
« L’impact des facteurs de risques au travail sur la santé des femmes conserve ainsi à bien des égards un caractère d’invisibilité entraînant méconnaissance ou sous-estimation et donc faible prise en compte. » Extrait du rapport du CESE « La santé des femmes en France », 2010.
Comprendre le travail des femmes pour le transformer
L’ergonomie nous a appris que, pour transformer le travail, il faut au préalable le comprendre, c’est-à-dire observer et analyser les conditions dans lesquelles l’activité est réalisée. En conséquence, pour avoir une approche genrée des conditions de travail, il nous faut engager la même démarche et nous départir de nos idées reçues et de nos représentations. Comme les stéréotypes nous rendent aveugles à certaines évidences et à certaines inégalités, nous devons modifier notre regard et notre démarche.
Des données sexuées pour nous aider à comprendre les effets différenciés sur la santé. En partant des statistiques de la Caisse primaire d’assurance maladie, l’ANACT3 met à jour annuellement une analyse sexuée des accidents du travail et des maladies professionnelles. Si, depuis 2001, on constate une baisse globale des accidents du travail avec arrêt, ils augmentent pour les femmes : en 13 ans, ils ont augmenté de 24, 3 % pour les femmes, tandis qu’ils ont baissé de 28 % pour les hommes. Les activités de service de santé, action sociale et nettoyage concentrent 40 % des accidents du travail pour les femmes. On peut observer la même tendance pour les accidents de trajet, qui sont en progression pour les femmes, et pour les maladies professionnelles, qui augmentent deux fois plus vite pour les femmes que pour les hommes, depuis 2001. Les enseignements que les rédactrices tirent de l’étude sont intéressants : « Les différences constatées en termes de sinistralité des femmes et des hommes renvoient, en grande partie, aux conditions d’expositions différenciées des femmes et des hommes dues, entre autres, à la répartition sexuée des secteurs, métiers et activités. Par ailleurs, les mêmes emplois peuvent conduire à des effets différenciés sur la santé des femmes et des hommes. Nous faisons ainsi l’hypothèse qu’il existe une sous-évaluation de l’exposition aux risques professionnels des femmes dans leurs emplois et que les dispositifs de prévention ne sont pas assez adaptés et efficaces dans les secteurs à prédominance féminine ».
Une autre étude intéressante sur l’absentéisme est celle de Grégoire Bouville4, « Absentéisme et conditions de travail au féminin : une frontière méconnue au sein des organisations ». Elle a montré l’importance des déterminants organisationnels (organisation du travail, conditions de travail, relations de travail, ressources de l’emploi) pour expliquer les différences d’absentéisme entre les femmes et les hommes. Selon l’enquête Sumer5, 26% des femmes sont en situation de « job strain », c’est-à-dire de tension au travail, contre 21% pour les hommes. Cette tension au travail s’explique par une forte demande psychologique, mais aussi par une plus faible latitude décisionnelle. D’une façon générale, les femmes font valoir dans leur travail un manque d’autonomie plus important et des marges de manœuvre moindres. Le secteur d’activité le plus exposé est la fonction publique hospitalière. On peut rapprocher ces résultats de ceux de l’étude de la Caisse nationale d’assurance maladie : sur les 10 000 affections psychiques reconnues au titre des accidents du travail en 2016, près de 60 % des cas concernent des femmes et plus particulièrement des employées. Ces études sont essentielles, car elles démontrent qu’une analyse fine permet de mettre en évidence des facteurs liés au travail alors que pendant très longtemps, on a considéré que le sexe était une explication en soi de l’absentéisme féminin sans tenir compte ni des conditions de travail et conditions de vie, ni des spécificités biologiques liées au sexe.
Les cancers professionnels des femmes sont moins connus. Alors que le cancer du sein est la principale cause de mortalité des femmes dans les pays développés, les études sur l’interaction entre les conditions de travail et ce cancer quasiment exclusivement féminin sont récentes et beaucoup moins documentées que celles liées au cancer du poumon en milieu de travail par exemple.Pourtant, les résultats d’une étude américaine6 publiée en janvier 2018 montrent une augmentation de 19 % du risque de cancer du sein chez les femmes travaillant de nuit pendant plusieurs années et, pour les infirmières travaillant de nuit, un risque nettement plus grand de cancer du sein (58 %) ainsi que de cancer gastro-intestinal (35 %) et du poumon (28 %). Il faut en effet rappeler que, depuis 2007, le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) a classé le travail posté et/ou de nuit dans le groupe des cancérogènes probables car ils « impliquent une désorganisation circadienne7» et qu’au Danemark le cancer du sein est reconnu comme maladie professionnelle si le travail de nuit a été pratiqué durant une longue période !
Comment agir ?
S’appuyer sur les instances et les textes. En premier lieu, nous devons utiliser les instances (CHSCT/CSE) pour faire valoir les enjeux de santé au travail et les enjeux d’égalité femmes-hommes. Le comité social et économique (CSE) a notamment pour attribution (article L 2312-9) de :
- procéder à l’analyse des risques professionnels auxquels peuvent être exposés les travailleurs/ses, notamment les femmes enceintes…
- contribuer notamment à faciliter l’accès des femmes à tous les emplois, à la résolution des problèmes liés à la maternité,…
- proposer des actions de prévention du harcèlement moral, du harcèlement sexuel et des agissements sexistes.
Dans le cadre de son obligation d’évaluer les risques professionnels l’employeur (public et privé) doit, depuis 2014, tenir compte de l’impact différencié de l’exposition au risque en fonction du sexe (article L4121-3 du code du travail). Alors que le document unique d’évaluation des risques professionnels est loin d’être une réalité dans toutes les entreprises et les administrations, il va sans dire que l’évaluation différenciée en fonction du sexe est quasiment inexistante. La période de mise à jour du document unique d’évaluation des risques professionnels, qui doit être au moins annuelle, est une opportunité à saisir pour comprendre, d’une part les effets différenciés du travail sur la santé des femmes et des hommes, d’autre part les expositions différenciées des femmes et des hommes dans leurs situations de travail.
Mener des enquêtes de terrain. Les équipes syndicales ont deux points d’appui importants : les données de l’entreprise et le travail de terrain. C’est principalement à partir de données genrées en santé et sécurité au travail, comme celles relatives aux accidents du travail, aux accidents de service, maladies professionnelles ou à l’absentéisme, que nous devons nous poser des questions : que nous disent ces éléments, ces écarts ? Pourquoi, par exemple, les femmes sont plus touchées par les troubles musculo-squelettiques (TMS) dans ce service ou cet atelier ? Pourquoi les femmes sont absentes en moyenne 20 % de plus que les hommes dans l’entreprise ou dans l’équipe ? L’observation des situations de travail, la conduite d’entretiens avec les salarié.es vont permettre d’interroger, dans le détail, les conditions de travail, l’organisation du travail, les relations de travail, les moyens mis à disposition, et de révéler des dysfonctionnements et des contraintes qui vont peser différemment sur les personnes. Il est indispensable de passer par une phase de compréhension de ce qui se passe dans le travail, des difficultés rencontrées, pour élaborer ensuite avec les personnes intéressées des propositions d’amélioration des conditions du travail. C’est bien à partir d’enquêtes syndicales de terrain, que nous pourrons vérifier si les femmes et les hommes sont exposé.es aux mêmes risques et font face de la même façon aux contraintes du travail.Cette approche différenciée des situations de travail des femmes et des hommes devrait être revendiquée et pratiquée par les équipes syndicales dans les enquêtes et les expertises décidées par le CHSCT/CSE.Mais pour aller plus loin dans la connaissance, nous devons aussi être à l’initiative de recherches, d’études, pour rendre visible et faire reconnaître les aspects du travail des femmes qui constituent un risque pour leur santé physique ou mentale.
L’ANACT propose quatre axes d’investigation pour analyser les conditions d’exposition des femmes :
- la division sexuée du travail : les femmes et les hommes n’occupent pas les mêmes métiers, les mêmes postes de travail et ne font pas les mêmes tâches ;
- l’invisibilité de l’exposition à des risques, à la pénibilité et aux violences est beaucoup plus marquée pour les femmes ;
- la gestion des parcours professionnels : les femmes et les hommes n’ont pas les mêmes opportunités ou possibilités ;
- l’articulation des temps : les femmes et les hommes n’ont pas les mêmes contraintes de temps de travail et hors travail.
Combattre les violences faites aux femmes au travail. Alors que le droit a progressé ces dernières années – le harcèlement sexuel comme les agissements sexistes sont interdits sur les lieux de travail – les violences sexistes restent une question encore peu, voire mal, appréhendée par les équipes syndicales. Derrière le terme de violences sexistes, il faut entendre celles commises contre les femmes parce qu’elles sont femmes, dans le cadre de rapports sociaux inégalitaires et hiérarchisés relevant d’un système de domination (le patriarcat) : violences domestiques, assassinats, agressions sexuelles, viol, harcèlement sexuel. Ces agissements peuvent s’adresser à une personne en particulier ou créer un environnement professionnel délétère dans lequel se répètent des blagues grivoises fondées sur le sexe, des propos dégradants à l’égard des femmes, des propos récurrents à connotation sexuelle… Or, des propos et comportements considérés comme portant peu à conséquence pour un grand nombre de personnes, doivent pourtant s’analyser sous l’angle de la perception et du ressenti de ceux ou celles qui les reçoivent, pouvant déstabiliser, traumatiser les personnes concernées, comme de ce qu’ils disent des rapports sociaux de sexe. Comme pour la pénibilité, nous devons rendre visibles les violences vécues et subies par les femmes, au quotidien, dans leur travail. Le point de départ peut être une plainte qui pourra déboucher sur une enquête de terrain, pour à la fois recueillir des faits et leurs conséquences, puis sur un débat en CHSCT/CSE. Ce sera l’occasion, pour les représentantes et représentants en CHSCT/CSE, de questionner l’employeur sur son obligation de prévenir les situations de violences sexistes et sexuelles dans son entreprise et ses services, et aussi de proposer des mesures de prévention à mettre en place, pour éviter que ces situations perdurent ou ne se reproduisent
Les équipes syndicales ont tout intérêt à s’appuyer sur l’arrêt (n° 15/02566 du 7 février 2017) de la Cour d’appel d’Orléans, qui a conclu qu’un « harcèlement sexuel peut consister en un harcèlement environnemental ou d’ambiance où, sans être directement visée, la victime subit les provocations et blagues obscènes ou vulgaires qui lui deviennent insupportables ». Ainsi, le seul fait d’être confronté à une ambiance à connotation sexuelle suffit à caractériser le harcèlement.Nous ne sous-estimons pas les blocages à surmonter : entre d’un côté des entreprises et des administrations qui étant dans le déni, vont avoir tendance à relativiser les faits – en parlant d’écarts de langage, de propos grivois – à ne pas vraiment sanctionner les responsables d’agression et de l’autre des femmes qui, la plupart du temps, vont hésiter à dénoncer ces agissements, quand elles ne vont pas s’autocensurer tant elles redoutent des sanctions ou que la dénonciation se retourne contre elles, le travail des équipes syndicales ne sera pas facilité.C’est donc à un effort particulier de pédagogie, d’information, d’explication (en rappelant par exemple ce qu’est une agression sexuelle, un agissement sexiste, etc.), que devront se livrer les responsables syndicaux afin de faire progresser la prise de conscience de chacun et de chacune sur les violences faites aux femmes au travail et en quoi elles sont inadmissibles. Il faut donc s’attendre à mener une bataille dans la durée, tout en signalant que nous ne sommes pas pour autant démuni.es : des textes, des outils sont à notre disposition et il nous revient de les utiliser. La commission Conditions de travail et la commission Femmes de Solidaires sont en train de réaliser un document à destination des militante et militants : « Agir syndicalement contre les violences sexistes et sexuelles au travail ».
« Chausser les lunettes du genre pour comprendre les conditions de travail ». La prise en considération de la question du genre dans nos activités syndicales est un moyen pour améliorer les conditions de travail des salarié.es, en partant de l’analyse des difficultés rencontrées dans le travail, afin de remonter aux causes structurelles qui peuvent être l’organisation du travail, le temps de travail, l’encadrement, l’articulation des temps de travail et des temps de vie personnelle. Penser au genre dans les conditions de travail, permet également de remettre en cause les travaux dangereux et pénibles imposés aux travailleurs, au prétexte que ce sont des hommes. Systématiser la production de données sexuées en matière de santé et sécurité au travail et développer des recherches actions sur « genre et santé au travail », sont des voies pour rendre visibles et compréhensibles les différences entre les femmes et les hommes sans se référer au biologique. Notre objectif final est de développer la prévention pour améliorer les conditions de travail des femmes et des hommes, réduire l’exposition aux risques professionnels et à la pénibilité pour les travailleurs et les travailleuses et ainsi réduire les inégalités de santé au travail.
Il va de soi que l’égalité ne saurait être pensée comme une négation des différences (physiologiques ou physiques), qui sont bien réelles. Mais en s’appuyant sur des analyses de terrain, on se rend compte que les femmes et les hommes n’occupent pas exactement les mêmes métiers ou postes de travail, qu’ils et elles n’ont pas les mêmes possibilités d’évolution professionnelle (ce qui a des répercussions sur le type de poste occupé) et pas non plus les mêmes contraintes de temps de travail et hors travail. Intégrer le genre dans l’analyse des conditions de travail, c’est se confronter au réel de l’activité des salariées. De ce point de vue, les deux commissions de Solidaires ont réalisé très vite que c’était par le biais des formations dispensées en interne que la question du port des lunettes genrées dans l’activité syndicale devait être traitée. Les formations, notamment celles qui visent à former des formateurs et formatrices (aux conditions et à la santé au travail, comme à l’égalité femmes/hommes) sont indispensables pour que, à terme, le réseau militant puisse agir au quotidien sur ces aspects, en comprenant (et donc avec l’objectif de le combattre) les mécanismes et conséquences d’un système de domination et ses implications au travail.
« […] L’invisible qui fait mal, parce que les risques pour la santé des femmes en milieu de travail sont souvent moins impressionnants et évidents que les dangers liés au travail masculin » Karen Messing8
Michèle Rault
1 Hesamag est une publication semestrielle de l’Institut syndical européen (European trade union insitute, ETUI), centre de recherches et de formation de la Confédération européenne des syndicats.
2 Laurent Vogel est juriste et chercheur en santé au travail à l’Institut syndical européen.
3 L’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail a produit en 2016 une photographie statistique des accidents du travail, de trajet et des maladies professionnelles en France, selon le sexe, entre 2001 et 2014.
4 Maître de conférences à l’université de Paris Dauphine.
5 Se reporter à l’étude de janvier 2016 n°004, de la Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (DARES) du Ministère du travail.
6 Analyse de 61 études couvrant 114 628 cas de cancer et 3,9 millions de participants et participantes, en Amérique du Nord, en Europe, en Australie et en Asie.
7 Le rythme circadien contrôle l’alternance veille-sommeil.
8 Karen Messing est une chercheuse canadienne, spécialiste de la santé des femmes au travail, dont les travaux ont irrigué nombre de chercheurs, chercheuses et syndicalistes européens, sur la question du genre.
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