Syndicalistes Solidaires et mouvement des Gilets jaunes à Saint-Brieuc

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Des âmes bien pensantes nous disaient depuis plusieurs jours que ce mouvement était orchestré par des groupes d’extrême-droite et que, donc, il ne fallait pas y aller. Et si le seul but de ces discours était justement de nous en tenir éloigner ? Tous ces citoyen.nes qu’on a croisé.es exprimaient une colère légitime, sans les codes habituels, mais avec tellement de force et de sincérité ! Ils sont bien là, les Gilets jaunes, des milliers qui bloquent toute la zone commerciale de Langueux et la RN 12, qui relie Brest à Rennes. Un premier pas est franchi !

Entre nous, nous sommes d’accord : il est impensable de regarder le train passer, de ne pas y aller et laisser carte blanche aux « fachos » qui avancent masqués pour propager leurs idées nauséabondes. Alors, sans hésiter, on y va ! Il faut faire vite, pas trop le temps de réfléchir. La première idée qui nous vient, c’est de créer des affiches et des flyers, de tagger les murs de slogans. Sur un parking de la zone commerciale, Serge a vu, accrochée à un fourgon, une grande banderole faite avec un drap blanc sur laquelle était écrit à la peinture noire : « illettrés et sans dent peut être, mais courageux et nombreux certainement ». Tout était dit ! Dès le dimanche soir, nous tirons en catastrophe, dans les locaux de Solidaires, quelques modèles de flyers, sans étiquette syndicale. On a bien compris qu’il nous faudrait du temps pour, peut-être, se faire accepter par les Gilets jaunes, alors on se concentre sur l’urgence : dénoncer Macron et son gouvernement !

A Saint-Brieuc, toutes les informations seront, dans un premier temps, diffusées sur une page Facebook très active (plus de 20 000 personnes abonné.es). Dès le 17 novembre et pendant 3 semaines successives, les actions et blocages se succèdent. Difficile de savoir où ? Quand ? On réussit, dès le 20 novembre, à rejoindre un groupe devant la préfecture : trop tard ! Les autres sont en route pour les impôts, on a le temps d’échanger quelques mots avec leurs porte-paroles locaux, Tristan Lozach, Benoit Julou et la morbihannaise très médiatisée Jacline Mouraud, celle qui au début du mouvement avait lancé un appel sur Youtube, visionné par plus de cinq millions de personnes Serge leurs déclare que s’ils et elles pensaient pouvoir destituer le gouvernement, comme annoncé à la presse (dans Ouest France lors d’une interview), seul.es avec le mouvement des Gilets jaunes, ils et elles mesuraient très mal le rapport des forces en présence et se faisaient beaucoup d’illusions. Car, ils et elles ne devaient pas oublier que l’oligarchie et Macron, pour défendre leurs intérêts, n’hésiteraient pas à utiliser la police, voir l’armée s’il le fallait. Il faudra donc, pour renverser le gouvernement, que des millions de gens descendent dans la rue ; pas seulement quelques milliers, mais toutes les forces sociales, syndicales, politiques opposées aux politiques qui détruisent notre modèle social issu du Conseil national de la Résistance. C’est pourquoi il fallait organiser une convergence des luttes sociales avec le mouvement des Gilets jaunes. Ensuite, nous sommes partis rejoindre le groupe qui est déjà devant le centre des impôts. Un message sera tagué à la peinture noire sur le trottoir, sous les applaudissements des Gilets jaunes et filmé en direct sur BFM : « Justice fiscale ou enfer Social ». Des affiches seront collées sur les murs ; On ne réflèchit même pas… On pense bien faire, pourtant, ce jour-là, des fonctionnaires des Finances enfermé.es dans leurs locaux, seront choqué.es que des syndicalistes agissent de la sorte et se mélangent avec des Gilets jaunes. On s’aperçoit que le mouvement, avec toutes les questions qu’il soulève, fait peur, qu’il n’est pas compris. Alors, nous pensons qu’il y a urgence à nous retrouver entre militant.es au local de Solidaires, pour en discuter.

Le lendemain, nous sommes allé.es sur le blocage de la RN12, près de Langueux, et avons distribué des centaines de flyers imprimés dans les locaux de Solidaires. L’accueil a été très chaleureux et de nombreux Gilets jaunes ont participé avec nous à la distribution sur la quatre voies. Finalement, le 22 novembre, nous tenons une assemblée générale de Solidaires, en y invitant des Gilets jaunes. L’un deux, Marcel, militant Solidaires dans l’agroalimentaire, voudrait que les syndicats s’effacent et se fondent dans le mouvement des Gilets jaunes : il n’en démord pas. Sa présence ne facilitera d’ailleurs pas le dialogue, il ne veut rien entendre… C’était trop tôt. Mais pour la grande majorité des militantes et militants présent.es, il est évident que l’Union départementale Solidaires des Côtes d’Armor doit s’engager dans le mouvement et appeler publiquement à la convergence des luttes.

Difficile à gérer, tout ça, pour les équipes militantes ; surtout que nous étions, à l’époque, en pleine période d’élections professionnelles dans la Fonction publique et d’élections pour le renouvellement des membres des Chambres d’agriculture. Le samedi 1er décembre, journée de lutte nationale contre la précarité et le chômage, un rassemblement est prévu par l’intersyndicale CGT, FSU, Solidaires des Côtes d’Armor. Nous sommes plusieurs de Solidaires à vouloir que la convergence se fasse ce jour-là, entre le mouvement syndical et les Gilets jaunes. Pour cela nous décidons de faire fabriquer une banderole : « Si nous voulons gagner, c’est tous ensemble qu’il faut lutter !!! »

Les vacances de Noël sont arrivées, les Gilets jaunes étaient toujours là, nous étions aussi toujours là. Déterminé.es, malgré le froid, la fatigue, les violences policières de plus en plus importantes. Ensemble, grosses frayeurs face à des flics surexcités, qui nous pourchassaient, nous balançaient des grenades lacrymogènes et nous tiraient dessus avec leurs LBD. Avec le temps, des amitiés se sont créées, sur les ronds-points, dans les assemblées. Après l’annonce de l’attribution d’une prime de 300 € pour chaque postier.e, obtenue grâce au mouvement des Gilets jaunes, le bureau départemental du syndicat Sud PTT, notre syndicat, décida qu’il serait bien de pouvoir les remercier. Un Noël solidaire des Gilets jaunes devait être organisé ; nous avons décidé d’acheter des livres pour les offrir aux enfants des Gilets jaunes en guise de remerciement.

Depuis le premier jour, nous avons participé à un maximum d’actions sur la région de Saint-Brieuc, les samedis mais aussi les autres jours ; nous avons participé aux assemblées générales quasiment toutes les semaines, dans des locaux prêtés par les mairies de Plérin et Trégueux. Lors des appels de l’intersyndicale CGT, FSU, Solidaires à la grève et à la manifestation, des 14 décembre, 5 février et 19 mars, un groupe de Gilets jaunes a accepté de nous rejoindre, mandaté par leur assemblée générale. Chose complètement impensable au mois de novembre…

Quand on est née en 1982, juste après le tournant néolibéral qui nous a imposé tant de régressions sociales, il n’était pas concevable pour une militante de Sud Ptt depuis 2007 comme Floriane, de rester en dehors d’un tel mouvement de révolte qu’elle attendait depuis longtemps.


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    Serge LE QUEAU

    Retraité de La poste, Serge Le Quéau est membre de Sud Ptt et un des animateurs de Solidaires Côtes d’Armor, où il a notamment pris en charge le dossier Triskalia.