États-Unis : melting-pot brun

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Un immense drapeau orné d’une croix gammée se dresse derrière l’orateur qui vitupère contre la « juiverie ». La salle est bondée et enfumée. Nous sommes à New York en 1937, le Bund germano-américain *, organisation nazie, organise une réunion publique qui va mal se terminer. Les hommes de main de Meyer Lansky font irruption et rossent violemment les présents. Le gangster juif, un des chefs de la mafia, ne supporte pas que les nazis paradent dans sa ville. Il va même proposer des armes et de l’argent aux autorités juives pour se débarrasser de la peste brune. Malgré tout, le Bund germano-américain organisera, le 20 février 1939, au Madison Square Garden (New York), un meeting réunissant de plus 20 000 personnes.
* Organisation qui n’a évidemment strictement rien de commun avec le Bund, Union générale des travailleurs juifs de Lituanie, de Pologne et de Russie.


Retraité, membre de l’Union départementale interprofessionnelle des retraité∙es Solidaires de Paris, Patrick Le Tréhondat, participe à la commission internationale de l’Union syndicale Solidaires. Coopérateur des éditions Syllepse, il fut aussi membre de Ras l’front ; il est aussi actif au sein de l’Association pour l’autogestion et du collectif de rédaction de Cerises la coopérative.


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Cette excroissance nazie sur le sol américain n’est pas une anomalie. Elle se développe sur un terrain fertile. Depuis la fin de la guerre de sécession, les États-Unis ont connu un fort développement d’organisations ouvertement racistes dont la plus connue est le Ku Klux Klan. Fondé en 1866, à l’issue de la guerre de Sécession, le Klan, connaît plusieurs périodes. Dans un premier temps (1865-1877), il organise une véritable terreur blanche dans les États du Sud. Lynchages, assassinats, massacres de masse qui ciblent les Noir·es récemment émancipé·es. Trois ans plus tard, Nathan Bedford Forrest, « Grand Sorcier », décide de la dissolution du Klan, car il considère le travail accompli. Mais les hommes en tenue blanche continuent leurs exactions. Le Klan réapparaît, plus puissant, dans les années 1910. Cette période coïncide avec la sortie du film Naissance d’une nationde David W. Griffith, véritable ode au Kan (en 1930, 100 millions de spectateurs l’avaient déjà vu). Selon plusieurs estimations, l’Empire invisible compte en 1923-1927 environ trois millions de membres, d’autres lui attribuent jusqu’à huit millions d’adhérents. C’est dans cette période que le père de Donald Trump se lie au Klan. Le 8 août 1925, 40 000 Klansmen défilent dans les rues de Washington. C’est alors une véritable organisation de masse. Le Klan dispose d’un journal, d’une maison d’édition et même d’une entreprise textile qui produit, par jour, six cents tenues blanches et coiffes pointues pour ses adeptes. Pour les besoins de sa propagande, il utilise la radio et le cinéma. À Atlanta, il contrôle la Lanier University, qui devient un centre de formation idéologique pour ses cadres. Avec ses 75 millions de dollars de recettes, le Klan devient une affaire juteuse et nombre de ses dirigeants en détournent les fonds à leurs profits personnels, ce qui provoque des scandales et des dissensions internes. Dans les années 1930, l’arrivée de nouveaux acteurs sur la scène de l’extrême droite américaine et la lassitude ou le rejet grandissant de l’opinion de ses méthodes jugées trop violentes, conduisent à sa perte de vitesse. Le Klan survit à une échelle beaucoup moindre, jusqu’à nos jours, et se rapproche en bout de course de groupes néo-nazis. Mais il reste aujourd’hui une référence « patrimoniale » pour la droite ultra. Durant cette longue période, Le Klan, à l’instar des autres groupes d’extrême droite jusqu’à aujourd’hui, n’a jamais recherché à disposer d’une représentation politique institutionnelle propre ; il préfère disposer de relais tant au niveau local que national (gouverneur, députés, shérifs, juges…), tant dans le parti républicain que démocrate. Ses fondements idéologiques formeront le socle définitif de l’extrême droite américaine : racisme anti-Noir·es, antisémitisme, refus de l’État fédéral (comprendre s’opposer à toute intrusion de lois jugées « communistes »), anticommunisme (entendre tout ce qui conteste l’ordre social existant), défense du patriarcat, accessoirement anticatholicisme (considérée comme une puissance étrangère).

Nouveaux acteurs

La crise de 1929, le New Deal (appelé le « Jew[juif] Deal » par l’extrême droite) et la montée du mouvement ouvrier, notamment à la suite d’une vague de grèves, vont alimenter l’émergence d’une myriade de nouveaux acteurs sur la scène de l’extrême droite. Les Silver Shirts, nouvelle organisation fasciste est fondée en 1933 et compte 15 000 membres. Plus puissante, la Black Legion est formée en 1931 et s’inscrit dans le sillage du Ku Klux Klan. Véritable milice armée, elle revendique entre 60 000 et 100 000 membres. Le phénomène est assez inquiétant pour que la Warner Brother produise un film à charge, Black Legion, en 1937, avec Humphrey Bogart, qui raconte l’histoire d’un un ouvrier de l’automobile qui devient un raciste brutal lorsqu’il est ignoré pour une promotion en faveur d’un collègue polonais qui s’engage dans la Black Legion. Dans cette même période, l’industriel, Henry Ford, qui reçoit en 1938 une haute distinction du régime nazi, diffuse largement sa presse et ses ouvrages antisémites. Son livre, The International Jew (Le Juif International), quatre volumes, est diffusé à plus de 10 millions d’exemplaires.

America First (slogan que reprendra Donald Trump) est fondé en 1940 par un groupe de riches hommes d’affaires et de politiciens conservateurs dont l’objectif était d’empêcher l’entrée des États-Unis dans la Seconde guerre mondiale (et donc dans la lutte contre le nazisme) qui serait souhaitée par « les Britanniques, les Juifs et l’administration Roosevelt ». Charles Lindberg, l’aviateur, est l’une des figures les plus importantes de ce mouvement qui comptera près de 800 000 membres, parmi lesquels on retrouve les anciens membres des Silver Shirts ou de la Black Legion. Lindberg est, lui aussi, décoré par l’Allemagne nazie. Le romancier Philip Roth imaginera dans Le Complot contre l’Amérique (2004) l’élection de Lindberg contre Roosevelt à la tête des États-Unis. Sitôt élu, l’aviateur conclut un pacte avec Hitler et les juifs deviennent les cibles du nouveau régime. Une uchronie qui n’a rien de farfelue. La possibilité fasciste n’épargnait pas alors les États-Unis. Mais l’attaque japonaise contre Pearl Harbor, le 7 décembre 1941, met en veilleuse le chaudron brun.


Les costumes de la Black Légion et du Ku Klux Klan en 1936 [DR]

Dans les années 1950 et 1960, face à la montée du mouvement des droits civiques, le racisme anti-Noir·es exacerbé et l’anticommunisme, répétons-le bien compris comment étant tout ce qui se rapporte à la contestation de l’ordre social (syndicalisme, mouvement féministe, mouvement antiguerre…), sont les moteurs principaux de l’extrême droite. Le Klan commet au moins 145 attentats à la bombe dans le Sud, entre 1956 et 1963, contre des églises noires. Une myriade d’associations ou de fondations font le pont entre l’extrême droit et le parti républicain, en particulier la John Birch Society, fondée en 1958. Son nom fait référence à John Birch, un militaire, agent du renseignement américain, qui a été tué par des communistes chinois en 1945. Elle entend défendre les valeurs judéo-chrétiennes et s’oppose notamment à l’immigration. Elle compte entre 60 000 et 100 000 membres, mais son audience est plus large via sa presse et ses livres (l’un d’entre eux se diffuse à 7 millions d’exemplaires). Son discours radical alarme. Le Conseil des rabbins d’Amérique met en garde contre les « graves dangers » posés au pays par la « fasciste et fanatique Birch », tandis que le membre du Congrès du Wisconsin Henry Reuss (démocrate) s’inquiète du fait que cette « association est en train de faire sonner de façon inquiétante ce que faisaient autrefois les nazis en Allemagne. ».

Dedans ou dehors ?

En 1964, Barry Goldwater, soutenu par la John Birch Society et le Ku Klux Klan est candidat républicain à la présidence des États-Unis et obtient 27 millions de voix. Il est membre du parti républicain et il a voté contre la reconnaissance des droits civiques à la population afro-américaine. Quatre ans plus tard, en 1968, George Wallace fait le choix de se présenter comme candidat indépendant. Raciste notoire, ancien membre du parti démocrate, il se présente à l’élection présidentielle sous les couleurs de l’American Independent Party, sur un programme ségrégationniste et obtient 9 901 118 voix (13,53 % des suffrages exprimés). La leçon sera retenue : une candidature en dehors du parti républicain affaiblit les chances de succès. Il est préférable de travailler idéologiquement le parti de la droite américaine, ce qui n’est pas contradictoire avec l’existence d’organisations indépendantes. Celles-ci peuvent, de l’extérieur, mener leur combat idéologique particulier avec l’objectif, à terme, d’hégémoniser la totalité du champ politique de la droite. Le parcours politique de Trump nous renseigne sur cette dialectique entre les pôles extérieurs et intérieurs au parti républicain. En 1999, Trump quitte momentanément le parti républicain et rejoint le Reform Pary. Précédemment, il avait adhéré au parti démocrate. Pour Dan La Botz, avec son passage au Reform Pary, « Trump [y] apprit quelque chose de la politique populiste d’extrême droite … ses idées, sa rhétorique et son style [qui] allaient être réemployés durant sa campagne présidentielle de 2016  [1]». Au Reform Pary, Trump a fréquenté David Duke, néonazi, grand sorcier du Ku Klux Klan et Pat Buchanan, figure d’un courant qualifié de « paléo-conservatisme » (sic)… Muni de cette expérience il retourne au parti républicain.

Milices, droite chrétienne

Dans les années 1990, apparaissent les milices ; d’abord celle du Montana puis celle du Michigan. Ce sont des regroupements paramilitaires armés, qui disent s’opposer pêle-mêle à l’immigration, aux impôts et au gouvernement fédéral. Conspirationnistes, elles ne sont pas imperméables à l’idéologie néonazie. Selon le Southern Poverty Law Center, un observatoire de l’extrême droite américaine, dès le milieu des années 1990, 450 milices opéraient, dans 50 États différents regroupant environ 300 000 membres actifs ; si l’on ajoute les sympathisant·es, il faut compter en millions. Le 19 avril 1995, Timothy McVeigh, qui avait des liens avec la milice du Michigan, fait exploser un camion piégé devant un bâtiment fédéral à Oklahoma City, tuant 168 personnes et en blessant plus de 680 autres. L’enquête révélera que, quelques années plutôt, il avait lu The Turner Diaries, (publié en 1978, au minimum 500 000 exemplaires encore vendus en 2000, cet ouvrage est interdit en France) de William Pierce, « bible mondiale » du suprématisme blanc, qui détaille entre autres la façon de faire un attentat au camion piégé. Pour autant, à la suite de cet attentat, le FBI ne s’attaquera pas véritablement au mouvement des milices, alors qu’on l’avait connu plus déterminer pour détruire le Black Panther Party, 40 ans plus tôt. Aujourd’hui, les milices sont toujours sur le terrain. Par exemple, celle des Proud Boys, venue en armes, sera particulièrement active dans l’assaut du Capitole le 6 janvier 2021.

Dans la même période, un autre front de travail idéologique s’ouvre avec la montée de la droite chrétienne. L’incursion du fondamentalisme protestant dans la politique commence dans les années 1970, en opposition aux mouvements sociaux contre la ségrégation raciale, pour le droit à l’avortement et les droits des LGBTI+. Jerry Falwell, pasteur évangélique baptiste et télévangéliste, fonde en 1979 Moral Majority, qui sera l’un des vecteurs les plus importants de la construction politique de la droite chrétienne. Moral Majority compte 6,5 millions de membres et contribue à l’élection de Ronald Reagan, et plus tard à celle de George W. Bush. Bien que dissoute en 1980, elle marque définitivement la formation d’un corpus idéologique réactionnaire dont l’infusion participera à l’élection de Trump en 2017. D’autres organisations ont, depuis, pris le relais comme le Family Research Council, toujours en activité à ce jour et tout aussi réactionnaire, raciste, sexiste et homophobe. Son chiffre d’affaires de 15 millions d’euros illustre les moyens dont elle dispose et la force de son réseau de donateurs.

La « divine surprise » de l’élection de Trump

L’arrivée de Trump au pouvoir en 2017 constitue un aboutissement pour l’ensemble de l’extrême droite, dont un des pôles idéologiques dominants est l’alt-right. C’est le suprémaciste blanc Richard Spencer qui a forgé ce terme en 2010. Cette mouvance regroupe des maisons d’édition (qui publie notamment Guillaume Faye et Alain de Benoist), des instituts comme le National Policy Institute, des revues comme American Renaissance et diverses organisations. Elle s’illustre en 2017, à Charlottesville, lors de la manifestation « Unite the Right » (Unir la droite, étrange coïncide de termes avec l’Union des droites de Zemmour) au cours de laquelle un sympathisant néonazi cause la mort de la militante antifasciste Heather D. Heyer et en blesse dix-neuf autres. La veille, dans la nuit du 11 août, un défilé au flambeau dans les allées de l’université la ville rassemble plusieurs centaines d’hommes blancs, dont le mot d’ordre est « les juifs ne nous remplaceront pas ! ».


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L’un de ses figures les plus importantes de l’alt-right est Steve Bannon, qui fut directeur exécutif de la campagne présidentielle de Donald Trump, et après la victoire de celui-ci, momentanément nommé conseiller stratégique du nouveau président. Bannon que le Washington Post qualifia sobrement de « Goebbels ». Il fut également un animateur du site Breitbart News, qui n’a rien à envier au site français Fdesouche. Le site affiche près de 50 millions de visiteurs uniques par mois. La présidence Trump voit une accélération de l’activisme de l’extrême droite. En 2020, la milice Wolverine Watchmen projette de kidnapper la gouverneure démocrate du Michigan, Gretchen Whitmer, une farouche opposante à Donald Trump, et même de déclencher une « guerre civile », mais 13 miliciens sont arrêtés avant d’avoir pu agir. Cette tentative préfigure ce qui se passera le 6 janvier 2021 à Washington.

L’assaut du Capitole, répétition générale ?

L’assaut du Capitole est documenté. Ce fut un évènement planétaire. Au-delà des faits connus de beaucoup, revenons sur certains de ses participants (liste non exhaustive). Ouvrons cette revue avec Nick Fuentes, leader nationaliste blanc qui préconise de pousser le parti républicain encore plus à l’extrême droite et est un admirateur déclaré de fascistes tels que Mussolini. Il bénéficie du soutien public de deux élus républicains Paul Gosar, député, et Wendy Rogers, sénateur. Il était également à Charlottesville. En février dernier, il organisait une conférence nationaliste blanche où il a fait applaudir Poutine et l’invasion de l’Ukraine [2]. Marjorie Taylor Greene, élue républicaine à la Chambre des représentants, participait à cette rencontre. Elle est une partisane de la théorie conspirationniste QAnon. Le lendemain, l’élue participait à une réunion de la Conservative Political Action Conference (10 000 participants), qui regroupe des conservateurs bon teint, et où elle fut accueillie chaleureusement. Ce passage sans encombre de Greene d’une conférence à l’autre montre la porosité qui existe désormais entre le parti républicain et l’extrême droite. Trois ans plus tôt, la direction du parti républicain avait sanctionné Steve King, élu républicain au congrès, un ami de Fuentes, pour son soutien au nationalisme blanc dans une interview au New York Times. Chose inimaginable aujourd’hui.

Vient ensuite, la milice des Proud Boys organisation néo-fasciste, fondée en 2016, qui compte environ 6 000 membres. L’organisation n’accepte comme que des membres « biologiquement masculins », les femmes ont leur propre groupe, les Proud Boys’ Girls. Le FBI soupçonne que Trump ait entretenu un lien avec les Proud Boys avant l’attaque du Capitole. Depuis janvier 2021, les Proud Boys compte 29 nouvelles sections et en revendique désormais 72 dans tout le pays. Autre milice, venue elle aussi armée, les Oath Keepers (fondée en 2009 dans le Massachusetts à la suite de l’élection d’Obama). Son fondateur Stewart Rhodes, sera poursuivi pour « sédition », Outre les nombreuses violences dont s’est rendue coupable cette milice, citons le cas d’un de ses membres, Matthew Fairfield, condamné en avril 2010 pour avoir stocké des explosifs. Selon un récent sondage (18 janvier 2022) 38 % des électeur·trices républicains considéraient « favorablement » cette milice. Présents également, des affiliés à la mouvance QAnon qui est le terme générique désignant une toile d’araignée propageant des théories du complot sur Internet, aux accents racistes, antisémite et anti-LGBTQ prononcés, qui prétend que le monde est dirigé par une cabale secrète de pédophiles qui vénèrent Satan. Ce n’est pas un groupe organisé avec un leadership défini. La photo de l’un de ses membres participant à l’assaut du Capitole, Jacob Chansley, revêtu d’une peau de bête fera le tour du monde ; il sera condamné à 41 mois de prison pour sa participation à l’assaut. Le bilan de cette journée sera de 5 morts (4 manifestants et 1 policier) et des centaines de blessés. Deux semaines plus tard, une manifestation à Richmond, lourdement armée, rassemblait environ 20 000 personnes, pour défendre le droit de porter des armes à feu. Au moins 18 milices et 34 groupes d’extrême droite y étaient présents parmi lesquels la Ligue néo-confédérée du Sud et les milices Proud Boys, Oath Keepers et Three Percenters. Un moment de réjouissance pour fêter l’action menée à Washington quelques jours plus tôt.


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Pour l’extrême droite, le 6 janvier a constitué une expérience réussie d’une articulation entre une mobilisation extra-parlementaire et des instances institutionnelles acquises (la présidence et le parti républicain). « Pour les partisans du président et [et les acteurs] de l’insurrection du Capitole, les événements du 6 janvier ne sont pas la fin d’un mouvement politique, mais le début. Les forums des milices antigouvernementales et les groupes de médias sociaux [d’extrême droite] ont noté une augmentation du nombre de leurs membres dans les jours qui ont suivi l’insurrection » note avec inquiétude le Southern Poverty Law Center. Lors de cette journée de contre-révolution antiparlementaire, chacun a joué son rôle, sans que l’un ou l’autre des acteurs agissants, la présidence et les assaillants, se sente relégué au second plan ; même si le tribut le plus cher a été payé par les assaillants du Capitole, en termes de poursuites et de condamnations (plus de 700 poursuites, des nombreuses condamnations à la prison et un an après 20 assaillants sont toujours emprisonnés). De plus, cette étape a achevé la prise en main totale du parti républicain par Trump, même s’il peut survenir une dispute en son sein sur qui doit conduire le parti dans les années à venir et qui sera candidat à l’élection présidentielle de 2024. L’essentiel étant la mutation idéologique achevée du parti vers un variant de droite ultra. En témoigne la campagne menée par des élus et des membres de conseils scolaires locaux républicains, qui s’en prennent aux livres dans les bibliothèques scolaires traitant de sujets tels que l’identité queer, le racisme et l’éducation sexuelle ou même la Shoah. Par exemple, Glenn Youngkin, gouverneur de Virginie depuis le 15 janvier 2022, a diffusé une vidéo dans laquelle une femme blanche appelait les écoles publiques de Virginie à interdire les discussions en classe sur le roman Beloved de Toni Morrison. Le gouverneur de Caroline du Sud, Henry McMaster, quant à lui, a demandé à ses services de l’éducation d’enquêter sur un roman graphique sur l’identité queer, disponible dans la bibliothèque d’une école. Autre exemple, un conseil scolaire du Tennessee a voté à l’unanimité, en janvier 2022, l’interdiction du programme des classes de 4e de la bande dessinée Maus d’Art Spiegelman, roman graphique sur la Shoah, considérant son « langage répréhensible ». Enfin, citons la Pennsylvanie, dont le conseil scolaire de Central York a interdit une longue liste de livres, presque entièrement des titres écrits par ou sur des personnes de couleur. Rappelons que l’État du Texas a interdit désormais aux habitantes d’avorter après six semaines de grossesse, même en cas d’inceste ou de viol. Le gouverneur républicain de cet État, Greg Abbott, est un ultra conservateur. En janvier dernier, The Daily Beast, site d’information américain mainstream, titrait, plutôt inquiet, « Greg Abbott pousse les républicains vers l’extrême droite ». Désormais, le parti républicain, précédemment acquis au respect des règles de fonctionnement de la « démocratie américaine », est disponible, si cela s’avère nécessaire, pour s’aventurer sur les chemins de la contre-révolution émeutière, rompant ainsi le pacte qui le lie depuis plus d’un siècle au le parti démocrate quant au fonctionnement partagé du système dominant.

En avril 2021, le directeur du FBI, Christopher Wray, reconnaissait que « malheureusement, le 6 janvier n’était pas un événement isolé… Le problème du terrorisme intérieur s’est métastasé à travers le pays depuis longtemps, et il ne va pas disparaître de sitôt ». Un terrorisme domestique qu’il décrivait comme « un mélange souvent superposé de croyances suprémacistes blanches, néonazies, nationalistes et culturelles d’exclusion ». De son côté, dans son rapport annuel 2021 sur la montée de l’extrême droite, le Southern Poverty Law Center, notait que « cela ne signifie pas que l’ascension continue de la droite ultra est inévitable.En 2020, le pays s’est réuni pour protester au nom de la justice raciale dans ce qui, en termes de participants, était peut-être la plus grande mobilisation politique que le pays n’ait jamais connue.La pandémie a fait des ravages dans les communautés vulnérables à l’instabilité sanitaire et économique, mais les gens ont également utilisé la crise comme une opportunité pour s’organiser et renforcer la solidarité.Les travailleurs de tout le pays et de divers secteurs d’emploi se syndiquent pour améliorer leurs salaires et leurs conditions de travail, et les communautés se sont organisées pour s’entraider».


Patrick Le Tréhondat


[1] Dan la Botz, Le nouveau populisme américain, Syllepse, 2018.

[2] Si la plupart des groupes d’extrême droite soutient Poutine, considéré comme un « croisé chrétien blanc », d’autres s’en distinguent. Un fil Telegram avec plus de 45 000 abonnés a affirmé, en février 2022, que l’invasion de Poutine faisait partie d’un complot « néo-bolchevique » et juif visant à éradiquer les « hommes aryens les plus purs et les plus fiers » en Ukraine, et a ajouté qu’il fallait ignorer le fait que le président ukrainien, Volodymyr Zelenskyy, est juif, pour apporter son soutien aux ultranationalistes ukrainiens.


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