A l’UL CGT Guingamp

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Je m’adresse solennellement à toutes et à tous dans cette AG, secoué que je suis, en même pas 5 ans, par le second conflit d’importance en Bretagne1 dans lequel le syndicalisme est totalement inexistant et quasiment montré du doigt comme un rouage de l’appareil d’Etat. Et ça, moi et bien d’autres, nous ne le supportons plus, car cela nous renvoie à nos errances des dernières décennies, à l’accumulation des défaites sans bilan, aux certitudes fondées non sur l’idéologie positive du marxisme mais sur celui d’un syndicalisme mythique.

Les syndicats de classe ne sont pas « des corps intermédiaires ». Les autres peut être. Historiquement, nous sommes des organisations ouvrières, des organisations que le mouvement ouvrier s’est donné pour organiser la défense de ses intérêts face au patronat et à l’Etat. Ce sont les politiciens et les intellectuels bourgeois qui ont défini – de l’extérieur – les organisations syndicales comme des « corps intermédiaires ». Sous leur influence, malheureusement, nombre de syndiqué.es et de syndicalistes ont fini par s’en convaincre. Non, le rôle des syndicats et des confédérations syndicales n’est pas le « dialogue social », mais la conquête d’améliorations sociales et, in fine, la transformation de la société, par la préparation de l’expropriation capitaliste, comme le définit la charte d’Amiens. Négocier à l’issu d’un rapport de force pour arracher des conquêtes, les généraliser, c’est une étape de la lutte, mais pas une fin en soi.

Non, le problème actuel n’est pas le « mépris des corps intermédiaires », mais la faiblesse du mouvement syndical, et donc du rapport de force de classe. Ceci est lié à :

– la prédominance du syndicalisme d’entreprise, de statut, sur le syndicalisme d’industrie/de branche, qui laisse des pans entiers du prolétariat sans outil organisationnel ;

– la désertion militante des organisations de solidarité interprofessionnelles que sont les Unions locales (ou leur inexistence dans certaines organisations syndicales) qui laisse chacune et chacun dans sa lutte et dans son coin.

Prédominance et désertion dont la continuité est assurée, y compris par plein de militant.es « gazeux » à discours très citoyen, mais qui, en réalité, se gardent bien de s’attaquer à la racine du problème en posant la question de l’organisation, parce qu’ils et elles pensent que le parti/l’organisation politique (ou dans la version informelle Facebook ou le collectif bidule) est le lieu pour construire cette solidarité, en lieu et place de l’outil syndical pourtant évident.


Cette pratique laisse, dans les faits, la place libre à la bureaucratie qui nous sclérose, nous abreuve de discours sur le dialogue social territorial, nourrit l’antisyndicalisme, et entérine de nouveaux reculs sociaux. D’un autre côté, il y a les incantations de celles et ceux qui ne se donnent pas la peine de traduire sur le terrain organisationnel des objectifs stratégiques et qui ne veulent pas faire bouger les lignes organisationnelles au sein des organisations syndicales, en créant ou relançant les outils qui fonctionnent. Pour sortir de cette faiblesse, il faut :

– revenir aux fondamentaux du syndicalisme : syndicalisme d’industrie, renforcement des unions locales, interprofessionnel, ancrage de classe, solidarité de classe, construction durable d’un rapport de force ;

– poser la question de l’unification du syndicalisme de classe, au lieu de se goberger de syndicalisme rassemblé : « nous avons essayé, nous avons échoué, prenons nos responsabilités ; »

– avec des organisations en ordre de bataille, construire l’affrontement de classe, avec pour objectif le développement de collectifs syndicaux partout sur des bases d’industrie, et d’UL, seules à même de faire de la généralisation de la grève un objectif stratégique réalisable et non une incantation mythique ;

– sortir de nos routines et vaincre nos craintes ; affirmer avec force, notre conviction que seule l’appropriation collective des moyens de production et d’échange permettra de sortir du capitalisme, système qui mène notre planète et ses populations dans l’abîme environnementale et la destruction totale.

Oui je veux bien rentrer dans la construction d’une mobilisation pour le 1er décembre, mais à condition qu’elle ne soit pas le remake de la manif du 2 novembre 2013 de Carhaix pendant le conflit des Bonnets rouges : occuper les militant.es, pour éviter qu’ils et elles ne réfléchissent, protéger le PS et ses affilié.es de l’époque ; une initiative qui m’a laissé une goût de cendre… Sortons de la facilité, de l’idéalisme, de la routine, de la certitude absolue d’avoir toujours raison, mettons les mains dans le cambouis !


1 Allusion au mouvement des Bonnets rouges, en 2013.

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